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Les débardeurs du port de Montréal sont entrés en grève lundi matin, bloquant les terminaux Viau et Maisonneuve pour 72 heures. Environ 41% des conteneurs passant par le port risquent d’être retardés. Les travailleurs reprochent à la compagnie Termont, qui gère les terminaux, de ne pas respecter la convention collective et de maintenir des demandes qu'ils jugent inacceptables.
Les membres du local 375 du Syndicat Canadien de la Fonction Publique (SCFP) passent ainsi à l'action après des mois de négociations infructueuses entre le syndicat et l'Association des Employeurs Maritimes (AEM).
Plusieurs points accrochent, car Termont refusent de respecter des engagements pris lors de la grève de 2021. De plus, les patrons souhaiteraient rendre les horaires encore plus rudes en supprimant la seule fin de semaine par mois où les débardeurs sont certains de ne pas être appelés pour travailler.
Lors d’une conférence de presse donnée vendredi dernier, Michel Murray, porte-parole syndical, avait dit que si les grands patrons des terminaux visés par la grève acceptaient d'appliquer le contrat de travail et de respecter leurs engagements, « le syndicat des débardeurs va être prêt à lever l'avis de grève. » Pourtant, l’impasse persiste.
Des conditions de travail qui se dégradent
Les journalistes de l'Étoile du Nord étaient présents sur le piquet de grève dès 7h lundi. Les témoignages recueillis dévoilent un environnement de travail de plus en plus difficile. Plusieurs travailleurs ont, entre autres, exprimé leur frustration face à une surveillance accrue sur leur lieu de travail.
Ils rapportent que des agents de sécurité engagés par Termont surveillent de façon très stricte des règles mineures. Au moins une sanction a déjà été imposée pour avoir roulé à basse vitesse sans ceinture de sécurité ou pour avoir franchi une ligne de sécurité d'un pouce pendant quelques secondes.
Les mesures disciplinaires prises par Termont contre les employés jugés « délinquants » ne figureraient pas dans la convention collective, et pourraient aller jusqu'à une semaine de suspension sans paye. Il y aurait donc une pile importante de plaintes à résoudre entre l'employeur et le syndicat.
Cependant, les tensions entre le syndicat et Termont ne sont pas nouvelles. Selon M. Murray, lors du dernier arbitrage en 2021, le porte-parole patronal, Nicolas Golbeck, avait déclaré sous serment que les horaires irréguliers seraient utilisés de manière limitée, ne représentant qu’1% du temps.
Après cette déclaration, Termont aurait eu largement recours à ces horaires, dérogeant ainsi à cet engagement. « La compagnie s'est mise à l'utiliser, je vous dirais, à 100%, » explique Murray. « Ils ont eu beaucoup de plaisir à dire : “c'est notre prérogative, on peut l'utiliser. Si vous n'êtes pas contents, faites un grief”. »
Les patrons de la côte est du continent désemparés
La première grève en près de 50 ans regroupant les ports de la côte est des États-Unis, qui a débuté hier matin, limite les options du patronat pour envoyer les navires ailleurs. Leur réaction dans les médias révèle d'ailleurs comment une telle quantité de travailleurs organisés peut affecter l'économie et exercer une forte pression sur la classe dominante.
Lundi matin, l'Administration Portuaire de Montréal (APM) déclarait ainsi qu'elle souhaitait « une entente dès que possible entre les parties, alors que tout retard [met à risque] 90,7 millions de dollars d’activités économiques pour chaque jour d’interruption ».
L'APM omet toutefois de mentionner que ce chiffre fait référence à l'ensemble des activités du port, et non pas celles visées par la présente grève.
De son côté, le président de la Chambre de commerce du Montréal Métropolitain, Michel Leblanc, déclarait la semaine passée : « Une fois de plus, une grève menace de prendre en otage nos chaînes d’approvisionnement, mettant en péril la survie de centaines d’entreprises. C’est inacceptable ».
L'Étoile du Nord n'a pas pu trouver d'exemple d'entreprise ayant fermé suite à une grève de quelques jours dans un port. M. Leblanc ajoute: « Pour conserver notre réputation internationale en tant que place d'affaires fiable et efficiente, nous ne pouvons pas permettre à des groupes de pressions, syndicats ou autres, de prendre constamment en otage la bonne marche de l'économie. »
Pour la Chambre de commerce, il serait donc nécessaire que le gouvernement intervienne pour garantir la domination des entreprises et réduire le rapport de force des travailleurs. Aux États-Unis, de nombreuses entreprises demandent d’ailleurs au président Biden d’intervenir.
Michel Murray mentionnait en conférence de presse que les travailleurs de Montréal soutiennent pleinement la grève illimitée de l'autre côté de la frontière. « On a déjà avisé les Américains que, quoi qu'il en soit, à partir du 1er octobre, on ne viendra pas faire leur travail. » Ceux-ci refuseront donc de traiter les bateaux destinés à l'origine aux ports en grève.