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Hausse du salaire minimum au Québec

Les propriétaires d’entreprises s’alarment

Temps de lecture:3 Minute

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Le premier mai, le salaire minimum québécois augmentera de 7%, passant de 14,25$/h à 15,25$/h. En réponse, des propriétaires d'entreprises s'alarment: une hausse des prix supposément faramineuse devrait suivre. C'est le cas du propriétaire de l'oligopole FoodTastic, Peter Mammas, qui déclarait dans un article de La Presse qu'« une hausse de 7 % du salaire minimum ne peut pas être absorbée par l’industrie sans une hausse de prix ».

Selon Raphaël Langevin, étudiant au doctorat en économie à McGill, « autant la hausse du salaire minimum génère des hausses de prix dans certains secteurs, une hausse de 7% du salaire minimum n'entrainera jamais une hausse de prix de 7% dans l'année courante. » Même dans les secteurs plus affectés comme la restauration, où une grande partie des employés gagne le salaire minimum, une hausse de prix équivalente serait impossible.

Le "catastrophisme économique" dont font preuve les propriétaires d'entreprises de l'article de La Presse, c'est rien de nouveau, explique Langevin: "ces gens là ont juste une vue sur leur propre entreprise, dès qu'on prend un pas de recul puis qu'on regarde au niveau macro-économique (plus largement), oui il y en a des effets bénéfiques. [...] Il faut que les propriétaires d'entreprises comprennent qu'ils ne sont pas des économistes, leur vision centrée sur leur entreprise les empêche d'avoir une vue d'ensemble."

Une hausse de salaire qui ne suit pas

Cette hausse supposément extrême du salaire minimum ne semble même pas rejoindre celle de la productivité dans les secteurs où le salaire minimum prennent une place importante, qui augmente en raison de la pénurie de main d'oeuvre.

Si la productivité des travailleurs et l'argent qu'ils rapportent à l'entreprise sont en hausse, le salaire minimum réel, lui, semble stagner. « Si on avait à accoller la hausse du salaire minimum réel [depuis son instauration] à la hausse de la productivité réelle, on serait rendu à un salaire minimum autour de 15$/h en 2016 ». À titre de comparaison, le salaire minimum à l'époque était de 10.75$. 

Cette stagnation du salaire minimum par rapport à la productivité des travailleurs permet aux entreprises du domaine de la restauration de faire d'importants profits. C'est entre autres le cas pour FoodTastic, qui possède une vingtaine de chaînes comprennant plus de 900 restaurants au Canada et dont le chiffre d'affaire dépassera le milliard cette année. 

Francis (nom fictif), un employé de longue date d'une populaire chaîne de l'empire FoodTastic, s'indigne de l'affirmation du PDG comme quoi il serait impossible pour eux d'absorber une hausse de 7% du salaire minimum: « Moi je pense qu'ils peuvent se le permettre, ils en font en masse des profits, sinon ils pourraient pas se permettre d'en acheter plein [de chaînes de restaurants]. Pis au pire, ils en feront un peu moins, des profits. »

Michel Rochette, un haut-placé du conseil canadien du commerce de détail, une organisation servant à défendre les intérêts du cartel de l'épicerie au Canada, affirme que cette hausse exercera une pression sur l'industrie: "Les salaires depuis un bon moment ont beaucoup augmentés".

C'est le salaire des hauts-dirigeants de ces épiceries qui a beaucoup augmenté dans la dernière année. Le PDG de Loblaw, Galen Weston, a vu son salaire augmenter de 1.2M$, en 2022, soit une hausse de 55%. Les cinq plus hauts dirigeants de Metro ont, pour leur part, vu leurs primes annuelles augmenter de 13.7% au cours de la même année.

Pour ce qui est des employés de ces grandes chaînes d'épiceries, la majorité d'entre-eux sont rémunérés au salaire minimum, qui a augmenté de 14%, mais sur une période de 3 ans plutôt qu'une.

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