Abonnez-vous à notre infolettre:
Au début du mois de juin 2023, la ministre québécoise de l'Habitation, France-Élaine Duranceau, a annoncé le projet de loi 31, qui a ensuite été fortement critiqué pour avoir favorisé les propriétaires au détriment des locataires. Rien d'étonnant à cela : la ministre Duranceau a déjà travaillé comme agente immobilière, allant jusqu'à occuper le poste de vice-présidente de la branche canadienne de la société immobilière commerciale Cushman & Wakefield, une entreprise qui gère plus de 178 000 logements à travers le Canada.
Sa nomination, fin octobre 2022, à la tête du ministère provincial du logement a été accueillie avec beaucoup d'inquiétude par les groupes de défense des droits du logement, les groupes de défense des droits des locataires et les partis d'opposition.
Le nouveau ministère du logement, sous le contrôle de Mme Duranceau, a entamé un processus visant à mettre fin aux programmes de logement social au profit des fonds publics, à subventionner les propriétaires privés par le biais d'aides au loyer, et à inciter les promoteurs privés et les spéculateurs financiarisés à développer des logements haut de gamme et lucratifs. En contrepartie, l'État n'a construit que très peu, voire pas du tout, de logements sociaux ou communautaires.
Le projet de loi 31 suit la même logique, profitant aux propriétaires privés et privant les locataires de leurs droits acquis au fil du temps. Voici quelques-uns des changements les plus marquants qui se profilent à l'horizon
Cessions de bail
Les cessions de bail sont un mécanisme historique dans la province de Québec permettant aux locataires pauvres et de la classe ouvrière de sécuriser leurs prix de location, en forçant les propriétaires à maintenir le prix du loyer au niveau de celui des locataires précédents. Un locataire qui est resté dans son appartement pendant 30 ans, en gardant le loyer le plus bas possible, peut, en suivant ses droits inscrits dans le Code civil, céder son bail à quelqu'un d'autre avec seulement une petite fenêtre pour le propriétaire pour refuser et en ayant besoin de montrer une raison valable pour le refus du transfert.
L'amendement à la loi, dans le cadre du projet de loi 31, permettrait à un propriétaire, lorsqu'il reçoit une cession de bail de son locataire, de le refuser pour toute raison non « sérieuse ». Cela ouvre la porte à toute forme de discrimination. Les mères célibataires, les immigrants, les personnes LGBTQ, tout le monde peut se voir refuser une cession de bail uniquement sur la base des caprices du propriétaire, sans aucun recours de la part du titulaire du bail.
Le Québec est la seule province canadienne à bénéficier de ce droit, et il cesserait effectivement d'exister avec le projet de loi 31.
Habitations à loyer modique
Dans le projet de loi 31, le ministère provincial du logement autorise la SHQ (Société d'Habitation du Québec) à aliéner des projets d'habitation à loyer modique (HLM) et à les vendre à des acteurs privés afin de pouvoir financer des rénovations et des réparations pour d'autres projets d'habitation à loyer modique.
Les HLM, un ancien programme fédéral de logement qui a été imposé aux provinces lorsque le gouvernement fédéral s'est désengagé du logement social dans les années 80, logent les travailleurs et les citoyens de la province dont les revenus sont les plus faibles. Le programme a été victime de coupes budgétaires importantes au cours des 30 dernières années et pourrait voir son nombre d'unités diminuer considérablement une fois que ce changement sera mis en œuvre, et une fois de plus, uniquement au profit des promoteurs privés.
Représentants du Tribunal du logement
Le projet de loi 31 contient un amendement qui légifère sur le droit des locataires et des propriétaires de nommer des représentants. À première vue, ce curieux amendement semble permettre aux locataires âgés ou actifs de nommer un représentant de leur choix pour les défendre devant le Tribunal administratif du logement (TAL) lorsqu'ils se trouvent dans une situation conflictuelle avec leur propriétaire.
Mais avant l'adoption du projet de loi 31, si le propriétaire ne se présentait pas au tribunal et que le locataire s'y présentait, la plupart des affaires étaient abandonnées, reportées ou poursuivies sans défense possible de la part du propriétaire. Avec les changements apportés par le projet de loi 31, les propriétaires peuvent désormais se passer du tribunal et mandater un employé, un concierge ou toute autre personne pour représenter leurs intérêts, enfermant ainsi les locataires dans une lutte contre les abus possibles face à un adversaire disposant de ressources bien plus importantes que les leurs. Une fois de plus, cela profite aux acteurs privés du secteur du logement.
Il y a beaucoup d'autres changements, plus petits, mais néanmoins marquants, dans la loi proposée : la suppression de toute mention au logement social, l'accent étant mis sur le logement abordable, et la poursuite du programme PSL (Programme de Supplément de Loyer), un programme qui subventionne les locataires en payant les propriétaires privés.
Réformes agressives du gouvernement du Québec
- Qui sont les (riches) patrons de la nouvelle agence Santé Québec?
- Un pas de plus vers la vente du système de santé public
- La qualité des projets de construction mise en danger par la « flexibilité » caquiste
- Toujours dénoncé par les groupes communautaires, syndicats et comités logement
- Quels impacts aura l’adoption de la loi 31?
- 15 fois le salaire moyen d’un employé pour le PDG de Santé Québec
- La CAQ veut de la flexibilité, mais qui en profitera?