Abonnez-vous à notre infolettre:
L'Étoile du Nord était présente à la manifestation « François, assez c'est assez » devant l'Assemblée nationale du Québec durant la fin de semaine du 31 août au 1er septembre. Malgré la pluie battante le samedi, quelques centaines de personnes ont bravé les éléments pour dénoncer le manque « d'honnêteté, de transparence et d'intégrité » du gouvernement Legault, ainsi que la corruption qu'ils jugent omniprésente dans le système politique québécois.
Après une série de discours d'influenceurs et de représentants de petits partis politiques, les journalistes de l'Étoile du Nord sont allés à la rencontre des manifestants, souvent diabolisés par les grands médias, pour comprendre leur pensée et leurs revendications.
La majorité était présente pour dénoncer la corruption, la privatisation des ressources de la province, l'imposition abusive et le manque de démocratie. D'autres venaient faire valoir leur cause, comme Christiane Vallière, présidente de l'Association des Accidentés de la Route Victimes de la S.A.A.Q. (AARVS).
Cette association lutte pour les demandeurs d'indemnisation à la Société d'assurance automobile du Québec qui ont été injustement rejetés. Mme Vallière expliquait à l'Étoile du Nord que si les droits légitimes des gens étaient respectés, « t'en verrais pas des affaires comme ça. On ne demande pas à devenir riche, mais avec la SAAQ, on s'appauvrit. »
On trouvait également au sein du rassemblement d'autres groupes ou individus, moins nombreux, évoquant des théories sur l'influence des compagnies pharmaceutiques au sein des communautés LGBTQ, se proclamant « citoyens souverains » exemptés d’impôts, ou arborant des casquettes « Trump 2024. »
Une dénonciation de ceux qui « s'en mettent plein les poches »
La manifestante Doris Nadeau, vêtue d'un imperméable jaune et trainant trois pancartes à elle seule, affirmait que les électeurs n'ont pas véritablement le libre choix lorsqu'il est temps d'élire les politiciens:
« On choisit parmi ceux qu'ils nous montrent, » disait-elle à l'Étoile du Nord, « mais ils sont probablement des amis qui prennent leur bière ensemble en fin de soirée [...] En fin de compte, l’un ou l'autre, c'est pareil. »
Bertrand (cité sous un pseudonyme pour rester anonyme), un manifestant questionné quelques minutes plus tard, était du même avis: « On vit vraiment dans une fausse démocratie. » Il poursuit, « il y a de la corruption partout, les preuves sont partout, mais la police ne fait rien. »
Un exemple de corruption cité par Bertrand était le favoritisme du gouvernement Legault dans l’octroi de contrats à Lion électrique, une entreprise d’autobus dont le principal actionnaire est la controversée Power Corporation, contrôlée par les oligarques de la famille Desmarais.
Pour lutter contre cette corruption, plusieurs manifestants appelaient à une plus grande participation populaire dans la politique, même si les démarches proposées manquaient souvent de clarté. Les petits partis politiques présents semblaient, eux, plus affirmés:
« Il va falloir qu'on arrête de se faire chier sur la tête et il va falloir que les solutions partent d'en bas, partent des citoyens et montent vers le haut, » lançait lors d'un discours Jean Charles Cléroux, chef du Parti Démocratie Directe.
D'autres manifestants étaient encore plus francs, sans toutefois proposer de chemin à suivre. Pour Bertrand, « ça prend une révolution. [...] Il faut que le peuple se lève, pas juste une minorité, parce qu'ils mènent une guerre silencieuse contre le peuple, ils se graissent les poches, et nous autres, on a de la misère à manger. C'est pas normal. »
Alors que plusieurs manifestants parlaient de l'enrichissement de l'oligarchie sur le dos de la population, d'autres mentionnaient aussi les pressions économiques qui s'accumulent pour les travailleurs canadiens. « Ils nous disent qu'il faut qu'on soit taxés pour le carburant, en arrivant dans leurs gros jets, » ironisait Doris.
« On a plus moyen de s'acheter une auto, il faut qu'on la loue. Les jeunes, ils peuvent pas accéder à l'achat d'une maison. Même pour les plus vieux, c'est rendu impossible. »
Un sujet qui revenait souvent chez les manifestants était les réformes et les projets de loi du gouvernement Legault. Plus spécifiquement, de nombreux travailleurs de la construction étaient présents et dénonçaient le projet de loi 51: « Encore une fois, la CAQ s'attaque aux travailleurs » arborait un pamphlet remis durant les deux jours de la manifestation par des militants du groupe Alliance Ouvrière.
Des discours hétéroclites
Peu de temps avant, Daniel Pilon, se décrivant lui-même comme un "chroniqueur finances et affaires libre-penseur", semblait mettre l'accent sur un changement psychologique pour lutter contre cette situation intenable. Dans un discours, il affirmait que « la libération intérieure, ça commence avec soi-même, avec notre introspection, notre réveil, notre conscience, notre amour pour tous et chacun. »
Pilon, qui vend sur son site web des séances de consultation financière à 1200$, ajoutait que « collectivement, il faut dénoncer les gens qui ne sont pas avec ces valeurs. »
Évidemment, ce n'est pas tout le monde qui avait une vision aussi individuelle du changement. Sur la tribune, Jonathan Blanchette, chef du parti Union Nationale - visiblement rien à voir avec le parti de Duplessis - lançait:
« Croyez-vous vraiment qu'ils ont intérêt à ce que nous nationalisions nos ressources? Qu'on contrôle notre port comme le fleuve Saint-Laurent, entre autres? Est-ce que vous réalisez tout l'argent qu'on perd chaque année à refuser d'administrer l'entrée qu'est le fleuve Saint-Laurent? »
« Est-ce que vous réalisez que juste là, on a assez pour se prendre en main, reprendre notre commerce, arrêter la folie du multinationalisme? Trudeau, il contrôle le commerce. Comment est-ce qu'il fait pour contrôler les véhicules chinois? Il a mis une taxe. La taxe, elle s'en va à qui? Est-ce qu'elle s'en vient à nous? » ajoutait-il en secouant la tête.
Les solutions politiques de l'Union Nationale contrastent bien sûr avec celles de Daniel Pilon, mais aussi avec celles de Mireille Chéry, aussi connue sous le nom de LadyRose, qui se déclare de la mouvance du « citoyen souverain ».
Présentée par l'animateur comme une commissaire à l'assermentation - un titre en apparence très officiel, mais en réalité commun et facile à obtenir - elle était présente pour faire signer aux manifestants un « avis de non-consentement » qu'elle prévoyait envoyer à tous les ministres, députés et maires de la province.
Elle expliquait dans son discours que: « Quand on ne dit rien, qu'on ne fait rien, ils peuvent enlever les enfants avec la DPJ » Cet avis serait donc manière de stopper les abus et de s’assurer que les décisions sont prises avec l'accord du peuple.
Selon Me Christian Splinter, avocat consulté par l'Étoile du Nord, « ce document peut avoir un poids politique, mais il n'a pas de poids juridique. Un peu comme une pétition, » même avec la signature d'une commissaire. « Si on est contre la loi, il faut la changer. Et ça passe par le combat politique. » Le texte fait également mention du concept juridique américain d'UCC 1-308, ne s'appliquant pas en droit canadien et québécois.
Ce formulaire n'est pas le premier projet de Chéry qui se retrouve dans la sphère publique. Il y a un peu plus de trois ans, Radio-Canada levait le voile sur sa Fondation FISH, qui prétendait vouloir récolter des fonds pour acheter un immeuble où héberger les sans-abris. Selon leur article, Chéry avait obtenu un total de 2300$ en dons, mais n'avait donné que 500$ à des OBNL venant en aide aux sans-abris. Il semblerait que le reste de l'argent ait été utilisé pour organiser une manifestation sans lien apparent avec l'itinérance.
Actuellement, Chéry met de l'avant sur sa page Facebook un site web nommé « Devenez banquier », qui promet aux visiteurs qu'avec l'aide d'experts chargeant 400$ par rendez-vous, il est possible de « devenir indépendant du système des banques traditionnelles » et de « mettre en place [sa] propre structure bancaire. »
Une direction qui se dessine
Malgré le manque de direction dans les discours, on sentait un désir dans la foule d'une orientation plus claire. Quelques conversations avec des manifestants ont permis à l'Étoile du Nord de constater un désir d'une plus grande unité politique et d'un plan pour provoquer un changement social profond.
Sur la scène, le représentant de Démocratie Directe disait: « La seule solution, c'est changer le système. [...] Si le peuple est au cœur des décisions, le reste va tout se gérer tout seul. »
De son côté, dans son tract, Alliance Ouvrière appelait à l'organisation contre les différentes réformes du gouvernement du Québec. « La CAQ justifie ses mesures en se servant de la crise du logement et la pénurie de main-d'œuvre comme prétexte pour accentuer l'exploitation des travailleurs. [...] Nous devons nous organiser maintenant pour combattre les effets de cette réforme. »