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Les travailleurs des sociétés de transport dénoncent un audit de Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT) comme une manœuvre politique. Commandé par la ministre des Transports, le rapport publié au début de novembre recommande une sous-traitance massive pour économiser des millions, une vision que les syndicats jugent dangereuse pour les services publics.
La firme s'en prend aux salaires des chauffeurs d'autobus de la Société de transport de Montréal (STM) qu'elle suggère de réduire. Toutefois, les solutions mises de l'avant par RCGT viendraient aggraver les problèmes de manque de main d'œuvre et de bris de services dans les sociétés de transport en commun, selon les travailleurs du réseau.
D'abord, cette idée selon laquelle la sous-traitance entraine des économies est démentie par le Syndicat des employés professionnels et de bureau (SEBP610) de la STM. Dans leurs bureaux, les ingénieurs de la STM côtoient depuis longtemps des ingénieurs embauchés par des firmes de sous-traitance. Ces derniers sont rémunérés à un taux horaire qui est le double de celui des ingénieurs de la STM.
Selon Benoit Tessier, le vice-président du SEBP610, la sous-traitance implique aussi un moins bon contrôle de la société publique sur ses services. « Il y a moins de contrôle sur la façon dont ton service est réalisé, parce que ton seul levier, c'est une relation contractuelle avec un transporteur privé. Il y a une perte de contrôle du public sur la qualité du service qui est livré. »
Dans le transport scolaire, les services sont entièrement assurés par des sous-traitants. Ceux-ci accumulent des milliers de bris de services par an, 197 par jour en 2022-2023 et 137 en 2023-2024. Malgré un rapport sévère du vérificateur général du Québec en 2011, les sous-traitants s'entêtent à ne pas changer leurs pratiques et le gouvernement bonifie leur contrat.
L'attraction et la rétention des employés risquent d'être, elles aussi, affectées par le recours à la sous-traitance dans le transport en commun. « Par exemple, les transporteurs qui sont en contrat avec Exxo ont la difficulté d'embaucher, de retenir leur personnel, parce que leurs conditions de travail sont inférieures. Donc, si on veut leur donner plus de contrats, ce problème-là d'avoir de la main d'œuvre compétente va s'accentuer », avance Tessier.
Même refrain dans le transport scolaire : les grèves se sont multipliées dans la dernière année pour demander une rémunération et des conditions de travail adéquates. En effet, malgré des bonifications allant jusqu'à 48% des contrats de sous-traitance par le gouvernement, les chauffeurs ont dû se battre pour obtenir des augmentations de salaire conséquentes. Cette situation a créé de grands problèmes de rétention de main d'œuvre dans le milieu.
Pour Tessier, avec le rapport de RCGT, la ministre du Transport s'interpose dans les négociations en cours entre la STM et ses employés. « Le gouvernement donne un peu un avertissement à la STM en disant : 'là, je t'ai donné des solutions, fais de la privatisation, réduis les conditions de travail, puis après, viens de me demander de l'argent. Mais si tu donnes des bonnes conventions, si tu ne fais pas ce qui est dans le rapport, tu vas avoir plus de misère à venir me quêter de l'argent après!. »
« On sait qu'il y a eu une première version du rapport qui a été déposée au gouvernement au mois d'août. Les échos qu'on a, c'est que le cabinet de la ministre n'était pas vraiment content des conclusions du rapport et ils ont demandé une nouvelle version. Ils ont essayé de trouver du gaspillage. Ils n'en ont pas trouvé. Puis là, puisqu'il fallait trouver des pistes d'économie, ils proposent d'avoir recours à la sous-traitance. »
Suite à la sortie du rapport, la STM a également dévoilé son budget pour l'année à venir, dont elle se targue qu'il est « équilibré ». Pour Tessier, cette idée d'éviter à tout prix les déficits est mal placée :
« Ça ne fonctionne pas comme ça, un service public. Un réseau de transport en commun, comme n'importe quel autre service public, ce n'est pas rentable. Ça ne s'autofinance pas. Le tarif que les gens payent ne va pas être suffisant pour payer 100% du service. Sinon, les tarifs seraient tellement élevés que les gens n'utiliseraient pas le service. »
Selon lui, sous couvert de rigueur budgétaire, le budget réel de la STM est réduit. « Il n'y a aucune amélioration de services. Il n'y a aucune croissance par rapport à l'année passée. Il y a une certaine compression qui continue. Ce qui fait que la croissance du budget est en bas de 1%. Quand on considère l'inflation, ça veut dire que c'est une diminution des dépenses qui est observée pour 2025. »
Pour le vice-président du SEBP610, les travailleurs des sociétés de transport ne désirent pas uniquement une plus grande part du gâteau, mais un élargissement de l'offre de service et une amélioration de sa qualité.
« Nous, les syndicats de la STM et d'autres sociétés de transport, comme acteurs de la société civile, on prend position et on s'organise avec d'autres acteurs pour réclamer un meilleur financement des sociétés de transport. [...] En juin, la FTQ a organisé un forum national sur le financement du transport collectif et public. Il y avait des syndicats, il y avait des organismes de la société civile qui ont participé à ça aussi. »