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Lors de la dernière journée de la session parlementaire, le gouvernement québécois a déposé un projet de loi s'attaquant au Code civil du Québec pour restreindre les droits des locataires. Le projet de loi 31 vise entre autres à empêcher la cession de bail, seul outil qui permet aux locataires un peu d'autonomie face à leur propriétaire. Le regroupement des comités de logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) a qualifié le projet de loi de "recul majeur pour les droits des locataires".
La cession de bail est le transfert du contrat de location à un autre locataire, conservant ainsi les mêmes conditions, incluant le coût du loyer. Lyn, du Comité d’action des citoyennes et citoyens de Verdun (CACV) explique que "techniquement, il est toujours possible d'effectuer un transfert de bail, mais le risque est tel que l'on pourrait tout aussi bien l'annuler." Cette nouvelle loi donne le droit au propriétaire de refuser unilatéralement le transfert et de résilier le bail du demandeur sur le champ. "Est-ce que je remettrais à mon propriétaire cette bombe à retardement? Probablement pas."
Avec la pénurie de logements, les propriétaires sont de plus en plus pointillieux lorsqu'ils choisissent leurs locataires, exigeant des enquêtes de crédits, des vérifications de références ou encore un dépôt du premier mois de loyer à la signature. Certains poussent la discrimination plus loin et refusent de louer leurs appartements à des familles, des immigrants, des étudiants ou des personnes sans références d'emploi.
Lyn du CACV ajoute que "pour les personnes victimes de discrimination lors de la recherche d'un appartement, le transfert de bail est un bon moyen de contourner ce problème". Selon elle, les demandes d'aide au CACV pour discrimination devraient augmenter significativement.
France-Élaine Duranceau, la ministre responsable de l'habitation, a refusé de rencontrer les comités logement depuis son entrée en fonction en automne 2022. Toutefois, elle a rencontré Martin Messier, président de l'association des propriétaires du Québec (APQ) à au moins dix reprises. Celui-ci a fait pression sur la ministre entre autres afin de "défendre les intérêts de propriétaires d'immeubles" ce qui implique une "révision complète de la loi du Tribunal Administratif du Logement" selon les informations disponibles sur Carrefour Lobby Québec.
L'article du projet de loi 31 qui concerne les cessions de bails est presque identique à l'objet d'un autre mandat de sollicitation pour lobbying obtenu par M. Messier. Celui a été obtenu en 2015 et permet au président de l'APQ de demander au ministre une modification au Code civil du Québec pour permettre au propriétaire de résilier le bail du demandeur et de refuser le transfert.
Cette proximité entre la ministre et les spéculateurs immobiliers et d'autant plus apparente que Mme Duranceau possède elle-même des actifs dans le marché immobilier. Elle est administratrice de cinq compagnies qui exploitent le logement locatif à des fins de profits. De plus, elle est bénéficiaire à une hauteur de plus de 10 000$ dans trois trusts de biens immobiliers.
La ministre Duranceau est partenaire d'affaire avec Annie Lemieux. Les deux femmes administrent ensemble des compagnies immobilières. Annie Lemieux possède elle aussi un mandat pour faire du lobbyisme auprès du ministère, alors qu'elle et Mme Duranceau sont des amies de longue date.
Selon le RCLALQ une bonne partie des hausses importantes de loyer se font lors du changement de locataires. Il est impossible de savoir ce que le locataire précédent payait si le propriétaire ne l'indique pas sur le bail. Ainsi, les transferts de baux sont une façon d'éviter ces augmentations abusives. « Les loyers ont explosé au Québec au cours des dernières années, et plutôt que d’agir pour freiner cette escalade, ce projet de loi vient jeter de l’huile sur le feu », affirme Cédric Dussault, co-porte-parole du RCLALQ.
Le tribunal administratif du logement (TAL) étudie très peu les augmentations de loyer. Ce n'est que 5% des audiences du TAL qui sont consacrées à la fixation des loyers. Au total, seulement 0.5% des augmentations de loyer sont étudiées par le TAL. Les pourcentages d'augmentation de loyer proposée par le TAL le sont à titre indicatif seulement. Les propriétaires peuvent donc augmenter les loyers presque en toute impunité avec la complicité de la ministre de l'Habitation.