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La situation s’assombrit pour les 214 travailleurs et travailleuses de Vidéotron — Gatineau, pris au piège dans un conflit prolongé. L’entreprise a empêché ses travailleurs de venir travailler ce matin en représailles au rejet, le 18 octobre, d’une offre patronale par les membres du Syndicat des employés de Vidéotron (SEVL-SCFP 2815). L’entreprise de l’oligarque québécois Pierre-Karl Péladeau projette une fois de plus d’accroître la sous-traitance et de délocaliser des emplois à l’étranger.
Le président du syndicat, Nick Mingione, explique que « l’usage du lock-out n’est jamais trop loin pour cet employeur qui, à travers les années, a usé de cette pratique de trop nombreuses fois. » Québécor, la société mère de Vidéotron, est reconnue pour jeter ses travailleurs à la rue jusqu’à ce qu’ils acceptent ses conditions. Ce nouveau lock-out rappelle tristement le lock-out déclenché en janvier 2009 au Journal de Montréal, propriété de PKP, et qui avait duré 764 jours, suscitant l’indignation générale. En 2015, il expulsait également les travailleurs de l’imprimerie de ses journaux.
À l’opposé, les travailleurs de Vidéotron – Gatineau disent vouloir non seulement conserver, mais développer de bons emplois et s’opposer fermement à la sous-traitance et à la délocalisation, deux sujets de friction majeure dans les négociations. Les membres du syndicat estiment que Vidéotron, une entreprise hautement rentable qui reçoit d’importantes subventions gouvernementales, devrait servir davantage la communauté.
Toutes les informations concernant les subventions reçues par Québécor ne sont pas facilement accessibles au public. Toutefois, en 2021, le gouvernement québécois a injecté 258 millions de dollars dans Vidéotron pour élargir sa couverture dans les zones rurales. Cela s’ajoutait à une aide fédérale antérieure de près de 50 millions de dollars en 2020, destinée à compenser les impacts de la COVID-19 sur l’entreprise. De plus, en 2020, Québécor avait bénéficié de crédits d’impôt substantiels pour soutenir le journalisme d’actualité (12,6 millions de dollars) et la transition numérique (8,5 millions de dollars). En 2018, il était estimé que la société recevait au moins 14 millions de dollars de subventions directes chaque année.
En 2021, Québécor a réalisé un profit considérable de 1,28 milliard. Ce résultat est en partie attribuable aux subventions gouvernementales et aux avantages fiscaux financés par les impôts des travailleurs canadiens. Toutefois, ceux-ci n’ont aucun pouvoir de décision concernant les actions du géant des télécommunications.
Ces chiffres contrastent fortement avec l’offre salariale de Vidéotron refusée le 12 septembre, qui proposait un gel d’augmentation en 2021, suivi d’une maigre augmentation de 2% par année entre 2022 et 2026, et de 1,5% en 2027. Le syndicat proposait pourtant une offre raisonnable en comparaison avec l’inflation, demandant 4% d’augmentation annuelle de 2021 à 2023, ainsi que 2% (avec ajustement à l’Indice des Prix à la Consommation) pour 2024 et 2025.
Le dimanche 29 octobre, le syndicat a annoncé que, malgré de longues séances de médiation, les négociations entre les parties n’ont pas abouti à une résolution. Les travailleurs de Vidéotron — Gatineau sont sans contrat de travail depuis le 31 août 2020, et les négociations pour le renouveler sont dans une impasse depuis.
La décision de déclencher ce lock-out aura des conséquences dramatiques pour les familles des travailleurs touchés. Patrick Gloutney, président du SCFP au Québec, a déclaré que « cette décision malheureuse de l’employeur pousse donc 214 familles à la rue. De fiers travailleurs et travailleuses qui devront trouver des moyens pour arriver à joindre les deux bouts alors que l’inflation frappe de plein fouet. »
En réaction à la situation, le M. Gloutney a réclamé au plus vite une loi anti-briseurs de grève au gouvernement fédéral, interdisant l’emploi de travailleurs de remplacement à faible coût et moins formé durant les grèves et les lock-out. Les travailleurs sous compétence fédérale, comme ceux de Vidéotron – Gatineau, ne bénéficient pas de cette protection, plaçant la puissante entreprise dans une position de pouvoir disproportionnée lors des négociations.