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Alors que le secteur hôtelier connaît une reprise économique spectaculaire suite au désastre de la pandémie, ses salariés exigent leur part des profits. Ainsi, plus de 2 600 travailleurs de l’hôtellerie ont déclenché ce matin une grève nationale de 24 heures touchant une vingtaine d’hôtels à Montréal, Québec et Sherbrooke.
Cette action, la première de cette envergure dans ces négociations coordonnées, vise à obtenir des augmentations salariales de 36% sur quatre ans, une bonification des avantages sociaux, ainsi qu’une protection contre l’ingérence des patrons dans la gestion des pourboires.
François Houle, vice-président du syndicat des travailleuses et travailleurs de l'Hôtel Reine-Élizabeth-CSN, en grève aujourd'hui, pense que la position de son hôtel sur l'organisation du travail est tournée vers le passé. « Ils veulent revenir à des 'split shifts', comme on l'appelle dans le jargon de l'industrie. C'est-à-dire que tu peux rentrer le matin de 8h à midi, ensuite retourner chez vous, puis revenir de 4h à 8h le soir. »
« C'est des conditions de travail qu'on n'a pas vues depuis plus de 30 ans. Il n'y a pas question qu'on retourne dans ces années-là. Les gens, aujourd'hui, veulent avoir une certaine qualité de vie. On dirait que les employeurs, en ce moment, aimeraient pouvoir déplacer des employés d'un endroit à l'autre, peu importe leur compétence, leurs spécialités et ainsi de suite. »
Les relations avec la partie patronale sont déjà tendues sur le milieu de travail. En effet, l'Hôtel Reine-Élizabeth, propriété du géant international de l'hôtel de luxe Fairmount, a brisé à plusieurs reprises les termes de la convention collective dans les dernières années, imposant par exemple aux employés des formations qui ne sont pas rémunérées.
Le vice-président du syndicat explique, « au Reine-Élizabeth, on a au-dessus de 400 griefs. » Les griefs sont des plaintes déposées par les employés lorsque l'employeur ne respecte pas le contrat de travail.
« Ça peut être pour tellement de choses. Ça peut être de l'overtime non payée par exemple, mais ça reste des problèmes qui n'ont pas été traités, qui se sont accumulés. On est rendu avec une montagne de griefs à régler à l'aube d'un nouveau contrat de travail. »
À la place des reculs demandés par la multinationale, le syndicat pense qu'il est grand temps de reconnaître l'expertise des travailleurs du milieu et de leur offrir des conditions de travail en conséquence.
Houle affirme, « il faut reconnaître les employés comme étant ce qu'ils sont, des professionnels dans leur milieu. Aujourd'hui, on a des écoles comme l'ITHQ qui forment les meilleurs dans l'industrie du tourisme. C'est une vision du tourisme au niveau québécois ou encore canadien qui considère que des gens qui sont des professionnels dans cette industrie-là donnent une meilleure qualité de service. »
Toutefois, les propriétaires et les grands conglomérats dans le milieu de l'hôtellerie misent de plus en plus sur des travailleurs d'agences de placement pour contourner les conventions collectives. Comme ils ne sont pas syndiqués, les patrons peuvent demander aux travailleurs d'agence d'effectuer des tâches qui ne sont pas encadrées par une convention collective. Ils n'ont également pas accès aux assurances, congés de maladie et vacances comme les employés permanents.
Selon le vice-président du syndicat, le recours à ces travailleurs a des impacts sur la qualité du travail, les plaçant dans une situation de grande exploitation.
« Honnêtement, ils n'ont visiblement pas les mêmes compétences que les employés qui travaillent chez nous ou qui sortent des milieux scolaires de la province. Ce sont des gens qui sont balancés d'un endroit à un autre. Aujourd'hui, ils sont là. Demain, ils sont ailleurs. Ce sont des gens qui n'ont pas nécessairement l'opportunité de développer des liens avec une communauté sur place. »
Plutôt que d'augmenter le recours à ce genre de main-d'œuvre temporaire non syndiquée, le syndicat propose d'offrir de meilleures conditions de travail afin d'attirer davantage de gens dans le milieu.
« Je pense que c'est important de mettre la barre un peu plus haut pour attirer les gens dans l'industrie. On est rendu là, on a perdu tout notre pouvoir d'achat depuis les dernières années. 2024 est supposé être une encore meilleure année [pour l'hôtellerie] que ce qu'on a eu en 2019, qui était pré-pandémique et qui était les meilleurs chiffres qu'on avait eus historiquement au Québec. »