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Ce matin, près d'une cinquantaine de travailleurs d'Amazon ont manifesté devant l'entrepôt DXT4 à Laval. C'est pour eux une nouvelle escalade dans leurs négociations qui suivent la formation du premier syndicat du géant du commerce au Canada. Ils exigent qu'Amazon cesse de saboter les négociations.
« On veut que ça avance selon nos demandes, qui sont très raisonnables », explique Félix Trudeau, président du syndicat des travailleurs de l'entrepôt. Celui-ci ajoute que la compagnie monopoliste tente de gagner du temps et de briser leur moral.
« Amazon est intentionnellement lente à nous faire des propositions », poursuit-il. « Et ce qu'ils nous amènent ne respecte même pas le statu quo. Ce qu'Amazon veut, c'est pouvoir changer tout quand elle veut. C'est pas acceptable pour nous, c'est pas pour ça qu'on s'est syndiqués. »
« Nos demandes sont le reflet d'à quel point on est essentiel à la compagnie, d'à quel point notre travail, c'est ce qui permet à Amazon de fonctionner », martèle le président du Syndicat des Travailleurs et Travailleuses d'Amazon Laval (STTAL-CSN).
Au printemps 2024, les travailleurs de l'entrepôt de Laval ont marqué l’histoire en étant les premiers employés d'Amazon au Canada à se syndiquer. Depuis, les membres du STTAL-CSN se mobilisent pour être les premiers à obtenir une convention collective dans l'histoire de la multinationale.
La manifestation a lieu dans un contexte où, à la mi-octobre, l'impasse dans les négociations a poussé les travailleurs de l'entrepôt à voter à l'unanimité en faveur de moyens de pression pour dénoncer l'intransigeance de leurs patrons.
Un premier coup d'éclat
Les travailleurs se sont réunis vers 9h45, au coin des rues Ernest-Cormier et Maurice-Cullen. Ils ont ensuite marché vers l'entrée de l'entrepôt, dépassant les gestionnaires paniqués qui tentaient de les arrêter, en vain.
Pendant quelques minutes, la cinquantaine de travailleurs ont crié et fait du bruit devant l'entrée pour exprimer leur mécontentement. L'ambiance était à la fête, et les membres du syndicat semblaient plus motivés que jamais à se battre pour leurs conditions. Ceux-ci sont ensuite retournés à leur point de départ pour se rendre visibles aux passants.
Pour M. Trudeau, « Amazon peut bien essayer de faire des tactiques de division, de faire des tactiques d'intimidations, mais on va pas se laisser impressionner. On sait ce qui est bon pour nous. Je pense qu'on l'a vu ce matin, les gens sont encouragés, ils sont prêts à se mobiliser. »
Un exemple flagrant de ces tactiques de division est survenu le mois dernier. Amazon a donné une augmentation de salaire à tous les travailleurs de la région de Montréal, sauf ceux de DXT4, et ce, « indépendamment du fait que nous sommes tous égaux, que nous faisons le même travail, » explique Hillary Kibos, travailleur à DXT4.
« On demande juste le minimum »
Les demandes des travailleurs sont notamment liées au salaire, la santé et la sécurité au travail et la sécurité d'emploi. M. Kibos insiste: « on demande juste le minimum ».
Il explique par exemple que le syndicat demande des standards d'embauche et de licenciement clairs. Récemment, Amazon a mis fin au contrat de 15 travailleurs sans donner de raison:
« Ils étaient bons dans leur travail. Ce sont nos collègues, nous avons vu comment ils travaillaient, mais leur contrat a quand même été coupé. Voilà ce que nous voudrions qu'Amazon dise clairement: qu'elle définisse les normes d'emploi. »
De plus, les blessures sont beaucoup plus nombreuses que la norme. M. Kibos déclare que 126 blessures ont été enregistrées depuis le début de l'année, ce qui représente à peu près 3 blessures par semaines.
Pourtant, dans leurs communiqués, les patrons d'Amazon semblent fiers de leurs politiques de santé et sécurité. Amazon Canada déclarait, en octobre 2023, « La sécurité et la santé de nos employés restent une priorité absolue, et nous sommes satisfaits de nos progrès. »
À l'opposé, M. Trudeau renchérit que « les accidents, ça arrive parce que les gens se sentent pressés, parce qu'il y a une cadence imposée par la machine. Le convoyeur roule, les alarmes sonnent. Ensuite, il y a les gestionnaires qui mettent la pression. »
En effet, selon un sondage du Centre des Travailleurs Immigrants (CTI), 69,7% des travailleurs d'Amazon disent que les risques de subir un accident au travail sont très élevés. De plus, 66,6% pensent que ce n'est qu'une question de temps avant que leur situation de santé les force à prendre un arrêt de travail ou à quitter leur emploi.
Le président du STTAL pense que les travailleurs savent « ce qu'il faut faire pour travailler en sécurité. Ce qu'on veut, c'est les outils de la convention pour donner le pouvoir aux travailleurs de réduire les blessures, de travailler en santé et en sécurité. »
C'est pour ça que les travailleurs se sont syndiqués, lance-t-il. « Le syndicat, c'est la démocratie pour les travailleurs, dans leur milieu de travail. C'est le meilleur outil qu'on peut avoir pour changer ce système-là. Les problèmes à Amazon, ce n'est pas juste les gestionnaires sur le plancher, ce n'est pas juste les petites politiques. »
Dans un discours aux manifestants, la CSN a réitéré son intention de vouloir étendre leurs efforts de syndicalisation aux autres entrepôts à Montréal.
Sur ce sujet, M. Trudeau déclare: « Mon message pour les travailleurs qui voudraient se syndiquer, c'est de faire confiance les uns aux autres. Parlez à vos collègues des problèmes que vous vivez au travail. Parlez des solutions que vous pouvez apporter. »
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