Bureaucratie, loi 14, privatisations…

Un ouvrier de la STM remet les pendules à l’heure après la grève

Les travailleurs d’entretien de la STM ont mis fin mardi soir à leur grève partielle, onze jours après l’avoir déclenchée, sous forte pression du gouvernement de la CAQ. Malgré cela, le ministre du Travail, Jean Boulet, a déposé dès le lendemain son projet de loi pour accélérer l’application de la controversée loi 14.

Cette loi doit permettre au ministre de mettre fin rapidement à une grève, principal levier des travailleurs, et réduire les perturbations qui ont touché les entreprises montréalaises (baisse de clientèle, retards et absences.) Une mesure qui aurait avantagé la direction de la STM. « Avec l’entrée en vigueur devancée de la loi 14, la STM n’avait plus aucun incitatif pour négocier », dénonçait le président du Syndicat du transport de CSN, Bruno Jeannotte.

Au final, ce sont les travailleurs qui ont voté la fin du débrayage avant que Québec ne s’ingère, raconte Gaétan*, travailleur de la STM interviewé par L’Étoile du Nord. Ils devaient choisir entre poursuivre la grève, au risque qu’un contrat soit imposé, ou l’arrêter pour espérer une entente négociée.

Les travailleurs d’entretien ne pourront pas reprendre la grève sans un avis de sept jours. Le projet de loi restera en attente en raison de l’opposition de Québec solidaire, sauf si le gouvernement impose le bâillon, qui forcerait le vote. Dans tous les cas, la loi doit entrer en vigueur le 30 novembre.

Bruno Jeannotte. Crédit: CSN.

Le salaire et la sous-traitance au cœur du conflit

Les employés d’entretien de la STM ont perdu entre 7% et 10% de leur pouvoir d’achat depuis l’entrée en vigueur de leur dernière convention collective en 2018. Pourtant, « les médias font juste parler de nos journées de maladie et de nos salaires », lâche Gaétan, frustré.

« On ne parle jamais de ceux, en haut, qui se votent des 30-40% d’augmentation, qui s’engraisse avec l’argent du peuple et qui vendent nos ressources naturelles aux lobbyistes. Non. C’est toujours nous autres. Tant que les pauvres se battent contre les pauvres, les riches s’enrichissent. » 

Selon Gaétan, une proposition à la table de négociation viserait même à privatiser les opérations de l’usine Crémazie, construite récemment au coût de 400 millions $.

Gaétan pense que c’est parce que l’administration de cette usine est extrêmement bureaucratique et coûte très cher. En effet, selon la vérificatrice générale de la ville de Montréal, « la fabrication et la remise à neuf de pièces et de composantes d’autobus ne sont pas réalisées de manière efficiente ni économique. » Elle confirme dans son rapport de 2024 que cela provoque « des surplus d’inventaire, des ruptures ponctuelles et une absence de mesure systématique de la fiabilité. »

« Ils nous ont mis des analystes, des coordinateurs, ils nous ont rajouté un paquet de cadres. Aujourd’hui, il y a plein de gens qui sont mandatés pour faire le travail qu’on faisait tout seuls avant, tous à des salaires à 100 000$. » 

Et c’est sans compter le changement de système informatique dans les dernières années, fait avec la même compagnie qui a dirigé le « fiasco SAAQcliq ». « Au bout de la ligne, tu as plein de glitchs de système et tu as un coordinateur qui planifie la semaine d’après ce que tu aurais dû faire hier. Après ça, ils te disent qu’on est moins efficace. C’est normal. »

Le rapport de la vérificatrice générale confirme bien l’inefficacité de la dans la planification de l’entretien et de la fabrication des pièces. Elle observe que les gestionnaires fonctionnent sans rôles clairement définis ni coordination efficace.

« Enlève toute cette administration. On va être capables de livrer le service à la population. Si on est inefficace aujourd’hui, c’est parce qu’il y a trop de monde qui nous dit quoi faire et qui ne connaît pas nos jobs. »

Crédit: CSN.

Sortir des cadres

Aux yeux de Gaétan, le rapport de force est biaisé. Peu importe combien de points de presse ou d’actions les syndicats font, « il va passer à la TVA pendant 10 secondes. Ils vont juste prendre les bouts qu’ils leur plaisent et ils vont déformer la réalité pour lui faire dire ce qu’ils veulent que le monde sache. » 

« Tu veux te battre contre un système qui est déjà fait pour te faire passer pour le coupable. » Quand le syndicat fait 120 rencontres de négociations, que rien ne bouge et qu’il est forcé de sortir en grève, « les gens sont mécontents », dit-il.

Il rappelle que l’histoire syndicale québécoise s’est souvent construite hors des cadres. « En 1974, la STM a défié le gouvernement Bourassa. Notre exécutif a fait de la prison. Et ça a donné quoi? L’indexation à l’ des fonds de pension que les gens ont au Québec aujourd’hui. »

Pour lui, la conclusion est claire: « C’est plate à dire, mais au Québec, on n’a jamais rien gagné dans la légalité. Jamais. »

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