Exportation à travers le « U.S. loophole »

Le gouvernement canadien arme encore Israël, même s’il dit le contraire

Même si le gouvernement canadien dit avoir « suspendu » ses exportations d’armes vers , un rapport montre qu’il ment à la population. Des pièces détachées d’avions de chasse et des explosifs canadiens continuent d’être utilisés dans des bombes lancées sur Gaza, grâce à une faille permettant leur passage discret par les États-Unis.

Publié fin novembre, le rapport Exposing the U.S. Loophole utilise des données commerciales et des contrats du Pentagone pour identifier et suivre des centaines de cargaisons militaires canadiennes entre 2023 et 2025, y compris après la « suspension » des exportations d’armes.

Il montre que 34 cargaisons de pièces d’avions militaires ont été envoyés à l’armée israélienne depuis des usines de Lockheed Martin aux États-Unis après avoir reçu des cargaisons identiques de fournisseurs canadiens.

Au total, le rapport a identifié 360 livraisons supplémentaires de pièces aéronautiques envoyées à Lockheed Martin, au Texas. Ces pièces serviraient à la construction du F-35, utilisé par l’armée israélienne. 

À cela s’ajoutent 150 envois d’explosifs vers des usines de munitions américaines depuis General Dynamics, situé à Valleyfield et Repentigny. Les usines américaines en question produisent des bombes, des obus et des munitions de char destinés à Israël.

Finalement, le rapport recense 433 cargaisons de TNT fabriqué en Pologne, débarquées au port de Saguenay, puis amené par camion vers ces mêmes usines.

Lockheed Martin Office, Colorado Springs” par Lumen Wilde, CC BY 2.0

Faille dans la loi

Cette voie d’exportation utilise une faille dans la Loi sur les licences d’exportation et d’importation. Comment? Normalement, un permis d’exportation est obligatoire pour sortir des biens militaires du pays. Mais pour les États-Unis, il y a une tonne d’exemptions. Cela permet aux entreprises canadiennes du secteur de la mort d’expédier discrètement leurs produits via leur voisin du sud.

De plus, les cargaisons ne sont pas incluses dans les statistiques officielles, et aucune évaluation du « risque » pour les droits de la personne n’est faite. Cette évaluation est pourtant demandée à tous les signataires du Traité sur le commerce des armes. Et une fois que les cargaisons arrivent sur le territoire américain, le gouvernement canadien arrête de les suivre et dit ne plus être responsable de leur utilisation.

Chaque année, ce vide réglementaire permet l’exportation vers les États-Unis de plus d’un milliard de dollars de produits militaires canadiens. Pourtant, l’ancienne ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly avait dit que le Canada ne laisserait « aucune arme ni partie d’arme » se rendre à Gaza, directement ou indirectement. Sa successeure, Anita Anand, a promis de ne pas « alimenter ce conflit ».

Des avions de chasse quasi canadiens

Plusieurs entreprises canadiennes fournissent des parties essentielles du F-35, utilisé massivement dans les bombardements de Gaza. Par exemple, Honeywell, à Mississauga, produit des contrôleurs pour le système de gestion de puissance et de refroidissement, considérés comme le « cœur » de l’avion.

Mais ce n’est pas tout. Héroux-Devtek, à Laval, est le fournisseur exclusif de mécanismes de verrouillage du train d’atterrissage. Magellan Aerospace, à Kitchener, construit les tiges de liaison des ailes. Cyclone Manufacturing, à Mississauga, fabrique des éléments de longerons d’aile.

Selon le rapport, chaque F-35 contient plus de 2,3 millions US$ de pièces fabriquées au Canada. Israël a déjà reçu 45 de ces avions et devrait en recevoir 30 de plus d’ici 2030. Depuis octobre 2023, les F-35 israéliens ont été utilisés pour larguer des bombes de 2 000 livres sur des immeubles résidentiels, des camps de réfugiés et des infrastructures civiles à Gaza.

Les auteurs du rapport parlent de « négligence délibérée » de la part d’Ottawa. Ils expliquent qu’en autorisant les exportations vers les États-Unis sans contrôle, le gouvernement évite les débats au Parlement et les contestations judiciaires. Il peut ainsi protéger les profits de l’industrie canadienne de la mort.

Sur le terrain, ce sont des familles, des travailleurs et des réfugiés qui subissent les conséquences de cette chaîne de production. C’est pourquoi le rapport demande la mise en place d’un embargo complet sur les armes avec Israël, la fermeture de la faille qui permet les exportations vers les États-Unis sans permis, et l’utilisation de la Loi sur les mesures économiques spéciales pour couper les exportations d’armes, d’explosifs et de pièces.

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