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Une dizaine de membres de l'Association des Accidentés de la Route Victimes de la SAAQ (AARVS) piquètent jour et nuit depuis mardi matin, devant les bureaux de la Société de l'Assurance Automobile du Québec (SAAQ). Ceux-ci cherchent à attirer l'attention sur leur souffrance face à une bureaucratie qui les ignore, dénonçant l'abus de pouvoir, la maltraitance et le harcèlement.
L'Étoile du Nord s'est rendue sur place pour rencontrer les membres de l'association, dont la présidente Christiane Vallière, qui explique vouloir « dénoncer les injustices et se battre pour les accidentés, qui sont en train de crever et de tout perdre. »
Chaque manifestant a son propre litige avec la SAAQ, mais toutes leurs histoires se rejoignent sur un point: leur dignité et leurs conditions de vie sont sacrifiées pour que la société d'État puisse économiser de l'argent. De nombreux accidentés déclarent d'ailleurs sur le groupe Facebook de l'association que la SAAQ les considère aptes à travailler, en dépit de diagnostics médicaux affirmant le contraire.
« Ce que je voulais avoir, c'était une aide venant de bon cœur, » explique Kevin Turcotte, opérateur de machinerie lourde victime d'un grave accident de voiture en 2007. « Ce que j'ai récolté, c'est: "Monsieur, vous êtes correct, vous n'avez pas de problème." Ils m'ont ignoré complètement. »
Lise, elle, explique que la SAAQ a coupé ses prestations. « Ma blessure était considérée de "gravité 4", mais ils ont réussi à la faire descendre en "gravité 3". Ils m'ont repris plus de 18000$. De l'autre côté, j'ai un programme en Alberta qui, quand j'ai fait la demande, m'a considéré invalide. Puis, après ça, j'ai appliqué à Canada Pension Invalidité et eux aussi m'ont accepté. » Lise a ensuite dû payer des milliers de dollars pour des contre-expertises médicales afin de prouver ses douleurs.
Ce n'est pourtant pas la seule épreuve que Lise a dû affronter dans son combat contre la SAAQ. La société d'État a engagé des enquêteurs privés pour la filer au Québec et en Alberta, une situation qui n'est pas hors de l'ordinaire.
« Ils veulent juste qu'on fasse une petite erreur. C'est ça qu'ils veulent, parce qu'ils veulent couper. On la comprend, la game. Écoute, je pense qu'on me donnait 3500$. Là, je suis rendue à 1000$. Ça fait 2500$ par mois qu'ils mettent dans leurs poches. »
Pour Christiane, son premier combat a été la reconnaissance de sa blessure. « Au début, après mon accident, j'ai dû vivre pendant cinq ans avec seulement la pension de vieillesse de mon conjoint. Quand ils ont reconnu ma blessure, il était trop tard, je ne pouvais plus me faire opérer. Ils m'ont rendu invalide. J'ai fait six infarctus en plus. »
C'est ensuite qu'elle a fondé l'AARVS, accompagné de quelques autres accidentés de la route. « Je suis une présidente fatiguée, mais je n'ai pas le choix. Je veux me battre pour mes accidentés. »
« J'ai des gens qui avaient des bonnes situations, qui avaient des bonnes payes, qui avaient une bonne job, » explique-t-elle. « Puis, du jour au lendemain, ils se ramassent avec le salaire minimum coupé en deux. On ne vit pas avec 1400$ par mois. »
Elle renchérit: « Quand tu as un loyer de 1100$, comment tu paye? Tu manges dans les poubelles? Tu ne t'habilles plus? Tu as quasiment envie de te tuer! Combien de personnes qui sont suicidées à cause de la SAAQ? On n'en parle pas! »
En effet, plusieurs cas de suicide ont été rapportés dans les 10 à 15 dernières années en relation avec la SAAQ. Il suffit de penser à Annie et Mario Beaudoin, un couple de Saint-Félicien s'étant enlevé la vie en avril 2014 suite à un accident de voiture grave suivi de deux ans de calvaire bureaucratique.
« Il faut faire valoir nos droits, » lance Christiane, déterminée. « Ce n'est pas un privilège que le gouvernement nous donne. Il va falloir qu'ils réalisent que ce sont des droits. On paye pour ça, les assurances. »
Cela fait maintenant plusieurs années que Christiane et son association se battent pour faire régler des dossiers et pour obtenir des améliorations dans la loi. Mais la SAAQ et le gouvernement ne semblent pas prêts à les écouter.
Elle se désole: « à la SAAQ, ils sont bons à te garder à terre. Tu viens d'être accidenté, t'as des blessures, tu te bats parce que t'as du mal. Tu te bats pour essayer de récupérer. Tu fais de la physio, de l'ergo. Tu vois un psychologue. Et eux, ils te piochent la tête pour rien. Le monde, ils sont tellement écrasés qu'ils ne veulent plus se battre. Ils sont écoeurés. Ils ne sont plus capables. »
Christiane explique que la ministre du Transport, Geneviève Guilbault, lui avait promis l'année passée de la rencontrer, à travers son attaché politique. Toutefois, cette rencontre n'a toujours pas eu lieu.« Madame Guilbault nous a ignorés, » dit Christiane. « Ça fait un an, et je pense qu'on a été assez patients. Je pense qu'avec la vie qu'on a aujourd'hui, c'est le temps d’agir, avant qu’on ramasse tout le monde mort. »
Les manifestants sont toujours devant le 333 boulevard Jean-Lesage à Québec. Ce matin, les agents de sécurité auraient commencé à les provoquer, menaçant de remorquer leurs véhicules. Ceux-ci déclarent vouloir rester jusqu'à ce qu'ils puissent obtenir une rencontre officielle.
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