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Dans l'arsenal des armes utilisées par les élites économiques pour maintenir leurs monopoles, une méthode insidieuse, quoique moins connue, d'accaparement des richesses fait, en ce moment, l'objet d'un examen approfondi. Le rachat d'actions est un processus par lequel une société achète ses propres actions à tous les actionnaires désireux de les vendre, puis les retire de la circulation. Le rachat d'actions augmente le ratio dividende/action et gonfle artificiellement la valeur des actions détenues par les actionnaires.
Les rachats d'actions présentent l'avantage évident d'augmenter la valeur des actions et les dividendes pour les actionnaires. Ils donnent également l'impression d'une augmentation de la croissance de l'entreprise. Le coût de ces avantages pour les financiers, les spéculateurs et les dirigeants d'entreprise est transféré, dans son entièreté, aux travailleurs.
Les médias grand public et les publications économiques décrivent les rachats d'actions comme des outils à utiliser lorsqu'une entreprise dispose de liquidités excédentaires qu'elle ne peut pas consacrer à la croissance ou à l'expansion. Le plus souvent, les entreprises investissent leurs liquidités excédentaires dans des rachats d'actions afin de donner l'impression d'une croissance de l'entreprise et de consolider la richesse entre les mains des dirigeants et des actionnaires. Les syndicats et les travailleurs ont souligné la tendance des entreprises à allouer une part importante des fonds aux rachats d'actions tout en réduisant les salaires, en supprimant les avantages sociaux et en licenciant du personnel.
En 2020, le secteur aérien américain a licencié 400 000 travailleurs tout en dépensant des millions de dollars financés par le contribuable américain pour des rachats d'actions. Entre 2011 et 2021, les quatre plus grandes compagnies aériennes des États-Unis ont consacré 96% de leurs revenus aux rachats d'actions. De juillet à septembre 2023, Stellantis a commandé le rachat de plus de 500 millions de dollars américains d'actions disponibles auprès des actionnaires. Le monopole de l'automobile a prévu de racheter un total de 1,6 milliard de dollars américains pour l'ensemble de l'année 2023, juste avant d'entamer des négociations avec le syndicat United Auto Workers, qui ont abouti au lancement de l'une des plus grandes grèves de l'histoire des États-Unis.
La CIBC estime qu'au Canada, les entreprises dépensent entre 20 et 70 milliards de dollars par an en rachats d'actions. Au troisième trimestre 2022, le géant pétrolier canadien Suncor a dépensé 1 milliard de dollars en rachats d'actions, tandis que la Banque Royale du Canada a dépensé 1,3 milliard de dollars.
À partir du 1er janvier 2024, le gouvernement canadien appliquera une taxe de 2% sur tous les rachats d'actions. Cette taxe devrait rapporter 420 millions de dollars par an au gouvernement fédéral. Pour replacer ce chiffre dans son contexte, il faut savoir que le budget fédéral de 2023 a consacré 925 millions de dollars au "Fonds d'accélération du logement" pour les premier-accédants à la propriété, et 1 milliard de dollars à l'aide militaire à l'Ukraine.
Les États-Unis ont introduit une taxe similaire de 1% sur les rachats d'actions au début de l'année 2023. Cependant, elle semble avoir eu peu d'effet sur les entreprises américaines, qui continuent à racheter leurs actions en grand nombre. Par conséquent, l'impact sur les travailleurs américains ne diminue pas.
Historiquement, les rachats d'actions étaient interdits au motif qu'ils constituaient une forme de manipulation du marché. Cette situation a changé sous l'administration Reagan en 1982, amorçant une tendance mondiale à l'augmentation du nombre de rachats d'actions par les entreprises. En 1994, 56 milliards de dollars américains ont été consacrés aux rachats d'actions, alors qu'en 2022, ce chiffre dépassera les 1 000 milliards de dollars américains.