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Opération “Barcode” de la police de Vancouver

Sensationnalisme autour des « vols à l’étalage violents » dans un contexte d’inflation

Temps de lecture:3 Minute

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Au printemps dernier, le Service de Police de Vancouver (SPV) a lancé une opération de répression des "vols à l'étalage violents", baptisée "Operation Barcode". Dans le cadre de cette opération, menée sur six semaines en partenariat avec des détaillants locaux, la police a procédé à plus de 350 arrestations et récupéré 117 000 dollars de marchandises volées.

Cette opération intervient alors que la population est de plus en plus mal à l'aise face à une surveillance toujours plus stricte. Un récent sondage Léger a révélé qu'une majorité des personnes interrogées ne pense pas qu'il soit nécessaire de renforcer les mesures de sécurité dans les magasins.

"Les gens n'ont pas de sympathie pour les grandes entreprises comme Walmart qui traitent mal leurs employés. Je critiquerais pas quelqu'un qui vole chez Walmart", a déclaré Sean, 38 ans, à l'Étoile du Nord, dans un centre d'accueil situé à East Hastings, à Vancouver. Sean ne mange qu'un repas par jour en raison de l'inflation et du prix élevé des denrées alimentaires, mais de nombreux Canadiens pratiquent plutôt le vol à l'étalage pour combler l'écart, comme en témoignent les nombreuses déclarations de groupes industriels et de magasins, y compris Walmart Canada.

Les communiqués de presse du SPV et sa campagne de relations publiques et de médias sociaux liée à l'opération ont fortement mis l'accent sur le risque que le vol à l'étalage conduise à un conflit violent avec les employés du magasin. Mais en réalité, seuls trois cas de menaces ou de violence ont été relevés au cours de l'opération, et dans aucun de ces cas, l'accusation normalement associée au vol à l'étalage (vol de moins de 5 000 $) n'a été portée.  

Jeff Shantz, professeur de criminologie à l'université polytechnique de Kwantlen, explique que l'expression "vol à l'étalage violent" n'est pas utilisée dans la loi ou dans la littérature académique, mais qu'il s'agit d'un terme créé par le SPV pour justifier sa répression.  "Ils ne parlent pas de vol à main armée, mais de vol à l'étalage violent, ce qui peut signifier beaucoup de choses. Ils font l'amalgame entre le vol à l'étalage et la violence pour faire monter la peur, dans un contexte où la perception du vol à l'étalage a changé, où tout le monde est au bord du gouffre à cause des prix élevés et de l'impossibilité de s'offrir les produits de première nécessité."

Les détaillants de tout le pays réclament des sanctions pénales plus sévères pour les vols à l'étalage, et certains ont même commencé à supprimer des mesures de réduction des coûts telles que les caisses automatiques, craignant qu'elles ne favorisent les vols à l'étalage. Jim Courmier, directeur pour l'Atlantique du Conseil canadien du commerce de détail, affirme que "moins de profits signifie moins de capacité à embaucher et à payer du personnel" et "moins de recettes fiscales pour les villes et les villages dans lesquels ces détaillants exercent leurs activités".

Mais les grandes chaînes d'épiceries comme Sobeys, Loblaw et le Jimmy Pattison Food Group restent très rentables, malgré le spectre de ce que M. Shantz appelle "le bon vieux programme d'auto-réduction des prix". En effet, le géant de la pharmacie et du commerce de détail de l'Ouest canadien, London Drugs, principal partenaire public du SPV dans le cadre de l'opération Barcode, est une pierre angulaire de l'empire du commerce de détail H.Y.Louie, qui a permis à son propriétaire, Brant Louie, d'amasser une fortune de près de 2 milliards de dollars. London Drugs verse à ses employés un salaire horaire moyen de 17,50 dollars.

La rhétorique des détaillants en difficulté et des voleurs à l'étalage violents est un peu excessive pour Martha Roberts, une organisatrice de l'association United in Struggle, basée à East Vancouver, qui a lancé une campagne publique contre "les prix élevés et les salaires de marde" dans l'industrie alimentaire: "En inventant des choses comme le vol à l'étalage violent, ou en disant que le vol à l'étalage nuit aux employés de leurs magasins, ces grands profiteurs essaient de faire croire que les travailleurs sont en train de se battre les uns contre les autres.  Mais en réalité, les mesures de répression de ce type visent à protéger les profits des grands capitalistes monopolistes, qui se sont effondrés au cours des quelques années qui ont suivi la pandémie."

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