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Alors que la saison estivale commence, les 3500 travailleurs de 30 hôtels du Québec affiliés à la CSN sont dans un bras de fer avec leurs patrons pour obtenir des conditions de travail décentes. Au début du mois de juin, les moyens de pression ont commencés dans la 11e négociation coordonnée de l'hôtellerie par des actions de visibilité. Toujours sans entente après plusieurs semaines de négociation, les travailleurs pourraient bientôt aller chercher des mandats de grève pour faire débloquer les pourparlers. C'est déjà le cas des travailleurs de l'hôtel Reine-Elizabeth à Montréal qui ont adopté un mandat de grève à 95%.
Afin d'en savoir plus sur l'état des négociations, l'Étoile du Nord s'est entretenue avec Fernando Almaraz, président du syndicat des travailleurs de l'hôtel Côte-de-Liesse, qui siège sur le comité de pilotage de la négociation coordonnée.
La dernière ronde de négociation a eu lieu en 2020. Le milieu de l'hôtellerie était alors frappé de plein fouet par la pandémie. Almaraz explique donc que les travailleurs ont dû faire des concessions au niveau des demandes salariales.
« À la dernière négociation, on a réglé beaucoup de ce qu'on appelle le normatif [l'organisation du travail]. On était en période de pandémie. Maintenant, le principal problème qu'on a, ce sont les salaires. »
« Je pense que je ne me trompe pas si je dis que notre hôtel, l'hôtel Radisson, a les salaires les plus bas de toute l'hôtellerie. Ça devient le principal problème parce que les salaires sont tellement bas que ça ne permet pas vraiment la participation dans la vie économique des employés. Chez nous, on a des employés qui doivent prendre une deuxième, une troisième job pour être capables de payer leurs nécessités. »
Dans l'hôtel où travaille Almaraz, les préposés aux chambres gagnent 17$ de l'heure. Toutefois, selon Almaraz, l'employeur aurait les moyens de mieux rémunérer les travailleurs. « C'est pas de l'information cachée ou secrète. L'hôtellerie a connu des gains importants pendant 2023 et 2024. Et ils se félicitent entre eux pour cette saison 2024 qui va être bonne. Alors, les employeurs ont l'argent. »
Tandis que l'inflation fait mal aux travailleurs qui peinent à payer leur nécessités, selon Almaraz, les hôtels y participent en gonflant leurs prix. « Il ne faut pas oublier que l'employeur participe à cette inflation-là. Ce que je veux dire, c'est que l'employeur en profite pour monter le prix des chambres. Pas à 10$, 20$, mais à 200$. Et c'est une richesse qui ne revient pas jusqu'aux employés. »
Les hôtels ont aussi recours à davantage d'employés d'agences de placements. Ces employés ne sont pas syndiqués, donc l'employeur peut décider unilatéralement de leurs conditions de travail.
Almaraz explique; « Ils profitent de la précarité des employés. Un travailleur immigrant qui vient ici, les loyers sont chers, le coût de la vie est cher. Il a besoin de prendre une job, n'importe laquelle, juste pour survivre. Il va accepter de mauvaises conditions. On voit aussi le fait que cet employé-là ne connaît pas ses droits, n'a pas accès aux ressources. Alors, il est victime d'une exploitation sauvage. »
Les syndicats de la négociation coordonnée demandent donc des augmentations salariales de 36% sur quatre ans pour combler ce rattrapage salarial et une perte du pouvoir d'achat liée à l'inflation. À cela s'ajoute la demande d'une plus grande contribution de l'employeur aux assurances.
« Il y a des hôtels où on trouve la participation patronale à 65%. Mais il y a d'autres endroits comme chez nous où la participation est 50/50. Nous on demande 55%. Oui, évidemment, c'est à l'avantage de l'employé, mais c'est aussi à l'avantage de l'employeur d'avoir une force de travailleurs et de travailleuses en santé. »
En effet, le travail accompli dans les hôtels est parfois très demandant physiquement. « Si tu es en train de faire un travail qui prend un coup sur ton corps, je pense aux préposés de chambre, surtout aux travailleurs de banquets qui montent des chaises chaque jour pendant des années; Alors d'avoir un accès à l'assurance à bon prix, peut-être même gratuite, ça permet d'avoir une force de travailleurs et de travailleuses qui vont être capables de faire le travail. »
Pour sa part, la partie patronale se présente à la table sans réellement faire de contre-offre aux propositions syndicales. « Présentement, l'employeur se présente presque sans demande. Est-ce que c'est une stratégie? Il faudra aller voir. Mais leur attitude, c'est de se présenter sans demande précisément parce que, le patronat veut en profiter de cette saison. »
Ainsi, pour continuer de profiter de la saison, les patrons veulent éviter de prendre le risque que les travailleurs débrayent. Sauf que certains se montent plus agressif que d'autres. « Il y a toujours des instances où le patronat se présente avec une attitude agressive. Je peux te dire que chez nous, l'attitude patronale est beaucoup plus agressive. Même si le patronat se présente sans aucun demande, ça ne veut pas dire qu'il va accepter les demandes syndicales. »
Toutefois, la négociation coordonnée a fait ses preuves dans le passé comme menant à d'important gains pour les travailleurs. « Un des gains principaux de la négociation coordonnée, c'était précisément de reconnaître les pourboires comme faisant partie du salaire des travailleurs. Parce qu'avant, les bénéfices, comme les congés de maladie, fériés, vacances, étaient toujours calculés sur le salaire de base. »
D'autres victoires importantes de cette stratégie incluent d'importantes augmentations salariales et un régime de retraite. Pour Almaraz, obtenir ses demandes, « ça revient toujours à des rapports de force et de visibilité ».
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