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Le dimanche 19 mai à Bruxelles, le Tribunal international des peuples (TIP) a rendu un verdict de « coupable » pour des accusations de crimes de guerre et de violations du droit international humanitaire à l'encontre de l'actuel président philippin Ferdinand Marcos Jr, de l'ancien président Rodrigo Duterte, du président américain Joe Biden et des gouvernements des Philippines et des États-Unis.
Le verdict a été rendu après deux jours d'audiences au cours desquelles des témoins, des victimes de violations des droits de l'homme et des représentants d'organisations luttant pour les droits de l'homme aux Philippines ont témoigné.
Le TIP est un forum quasi-judiciaire convoqué par l'Association internationale des juristes démocrates (AIJD) et les Amis du peuple philippin en lutte (APPL). Il a été présidé par un panel de cinq jurés internationaux, composé de membres d'associations de juristes, de membres de parlements et d'un ancien archevêque. Ses conclusions ont été soumises à la Cour internationale de Justice par la section néerlandaise de l'APPL le 21 mai.
Au nombre des personnes ayant témoigné devant le tribunal figure Emile Fausto. Ses parents, qui étaient organisateurs de travailleurs agricoles, et ses deux jeunes frères, ont été assassinés en juin 2023 après avoir été confrontés à des années red tagging (étiquetage rouge).
« Nous demandons justice pour l'assassinat de notre famille », a déclaré M. Fausto à l'audience. « Ils étaient innocents et je ne soupçonne personne d'autre que les militaires eux-mêmes. »
Le red tagging consiste à associer toute personne luttant pour le changement aux Philippines à la Nouvelle armée populaire (NAP), en exploitant le conflit armé entre la coalition dont la NAP est membre, le Front démocratique national des Philippines (FDNP), et le gouvernement philippin comme prétexte à la répression.
Le FDNP vise, selon ses propres termes, « la libération nationale et la démocratie [qui] cherchent à fournir une large base d'unité pour toutes les classes sociales, les secteurs, les groupes et les Philippins individuels, ici et à l'étranger, qui désirent une liberté et une démocratie nationales authentiques, une paix durable et des Philippines progressistes ».
Eufemia Cullamat, agricultrice philippine Lumad (indigène) et ancienne membre de la Chambre des représentants des Philippines, a témoigné de l'exécution de sa fille, membre non armé de la Nouvelle armée populaire, en 2020:
« Les militaires ont exhibé le corps de Jevelyn sans pitié ni respect. Ils disent que ma fille est morte lors d'un affrontement militaire avec la NAP. Pour le prouver, les militaires ont arrangé son corps et ont délibérément placé une arme sur sa poitrine pour montrer qu'elle la tenait ».
Les éléments de preuve présentés au tribunal ont mis en évidence le non-respect systématique du droit humanitaire international et les violations des règles de la guerre par le gouvernement de la République des Philippines et les forces armées philippines dans le cadre du conflit armé qui les oppose depuis 50 ans au mouvement révolutionnaire dirigé par le FDNP.
Il a également mis en évidence un modèle d'utilisation de l'existence du conflit armé pour justifier les exécutions extrajudiciaires, les disparitions, les arrestations, la torture et l'emprisonnement contre les organisations juridiques et les communautés d'agriculteurs, les peuples autochtones, les travailleurs, les étudiants et d'autres secteurs de la société philippine.
Le Tribunal a également entendu des témoignages d'experts montrant le rôle des États-Unis dans les violations des droits de l'homme et les crimes de guerre aux Philippines, y compris 1,14 milliard de dollars d'« aide » militaire depuis 2015 et le déploiement de milliers de soldats américains dans le cadre d'exercices militaires conjoints.
La décision conclut que « les preuves présentées individuellement et collectivement soutiennent l'allégation selon laquelle l'approche de l'ensemble de la nation, le bombardement intensif et le déplacement forcé de communautés, ainsi que le meurtre de civils et de personnes hors de combat par les forces de l'État n'auraient pas été possibles sans la direction, les armes et l'entraînement fournis par le gouvernement américain. »
Séverine de Laveleye, membre du Parlement belge et jurée du procès, a commenté les conclusions générales du panel et la situation politique actuelle aux Philippines:
« Nous avons trouvé des preuves substantielles et irréfutables d'exécutions extrajudiciaires généralisées, de massacres de civils, de disparitions forcées, de bombardements aveugles et d'autres violations flagrantes du droit humanitaire international. Les atrocités et les politiques et actions anti-populaires de M. Duterte semblent persister et s'intensifier sous l'actuelle administration Marcos Jr. »
« Notre décision est fondée sur l'examen exhaustif des preuves présentées. Les témoignages, dont beaucoup ont fait preuve d'un immense courage en se manifestant, ont joué un rôle crucial dans notre compréhension des abus systémiques perpétrés sous ces régimes avec le soutien tacite des États-Unis ».