Entretien avec un militant de Tama Na BC

Des manifestants empêchés de remettre une lettre au consulat des Philippines 

Le 21 octobre, des militants philippins et des membres de la diaspora ont été refoulés du consulat des Philippines à alors qu’ils tentaient de livrer une lettre exprimant leur mécontentement face à la qui a causé des ravages considérables après le passage d’un typhon dans certaines régions du pays. 

Le consulat, niché au milieu des hôtels de luxe et des centres de congrès du front de mer du centre-ville, a interdit aux militants d’entrer dans le bâtiment et a renforcé la sécurité à ses portes en voyant des personnes se rassembler à l’extérieur pour préparer la remise de la lettre. La lettre est signée par Tama Na BC, une section locale d’une nouvelle coalition de Philippins concernés, formée en réaction au récent scandale de corruption. 

L’Étoile du Nord s’est entretenu avec Noa Sison, de Bayan BC, sur les lieux. Il a expliqué: « On est ici parce que ça fait un mois après le 21 septembre quand des centaines de milliers de Philippins ont manifesté dans les rues. Et on a juste vu le gouvernement philippin redoubler de contre la résistance légitime du peuple et redoubler de corruption et de manque de transparence. »

La lettre formule des demandes spécifiques en matière de transparence et de responsabilité à l’égard des fonctionnaires et des entrepreneurs impliqués dans des projets de lutte contre les inondations financés par des

« Elle contient huit demandes, énumérant les moyens de parvenir à une société sans corruption aux Philippines. Par exemple, veiller à ce que l’enquête de la Commission indépendante pour les infrastructures soit transparente et à ce qu’il n’y ait plus de pratiques d' »insertions budgétaires, » qui donnent lieu à tous ces projets de pork barrel gonflés permettant à certaines personnes d’empocher l’argent. »

La Commission indépendante pour les infrastructures (ICI) a été créée le 15 septembre par décret après que le public ait exprimé ses inquiétudes concernant la corruption. Le détournement de fonds publics destinés aux infrastructures de lutte contre les inondations a causé la mort d’au moins 30 personnes, la destruction de communautés entières et le déplacement de milliers de personnes, en particulier dans les communautés rurales. 

Bien que le président Ferdinand Marcos Jr. ait déclaré que la commission fonctionnerait de manière indépendante et ne comprendrait aucun politicien, les critiques s’inquiètent du manque de transparence de l’agence. Tous les postes au sein de la commission ont été directement attribués par le président Marcos Jr.

M. Sison s’inquiète du fait que l’ICI n’ait pas impliqué Marcos Jr. dans le chaos qui a suivi le typhon et rejette la responsabilité sur les manifestants. 

« On sait que c’est lui le vrai responsable, parce que c’est lui qui approuve et signe le budget national, qui est plein de projets d’infrastructure qui sont source de pots-de-vin ou de corruption, et qui permettent à tous ces politiciens de s’enrichir », a-t-il déclaré à L’Étoile du Nord. 

Photo par AJ Wang, @ajwaang sur Instagram

Selon M. Sison, les manifestations du 21 septembre montrent que « les agriculteurs, les travailleurs, les professionnels, les jeunes, les étudiants, tous unis parce qu’ils comprennent qu’ils en ont assez ». Il ajoute qu’ils ont pris conscience qu’« il ne s’agit pas de savoir qui occupe [le palais présidentiel], mais plutôt de remplacer ce système corrompu » qui n’a cessé de détourner les fonds publics au profit des politiciens, plutôt que de se concentrer uniquement sur la personne qui occupe le palais présidentiel en tant que figure de proue.

La corruption endémique est peut-être plus perceptible dans les communautés agricoles lors d’événements météorologiques extrêmes et de catastrophes, mais le problème est une réalité omniprésente tout au long de l’année qui empêche les habitants des campagnes de bénéficier d’une quelconque stabilité ou sécurité.

« Les paysans philippins vivent déjà avec des marges économiques très faibles. Certains gagnent à peine 350 [pesos philippins] par jour, soit environ neuf dollars canadiens. Quand on pense à la corruption, on comprend mieux les principaux problèmes des agriculteurs philippins. Sept agriculteurs philippins sur dix ne possèdent pas leurs propres terres » et, depuis les inondations, « aucune aide ne leur a encore été fournie ».

M. Sison explique que les fonds qui pourraient servir à compléter la production locale de riz et à subventionner le coût des engrais sont plutôt gaspillés dans des contrats d’infrastructure qui donnent lieu à des pots-de-vin ou favorisent la corruption. 

« Marcos Jr. perpétue cette tradition qui consiste à dépendre des importations de riz pour compléter l’approvisionnement local. »

Selon M. Sison, la corruption « n’est que la manifestation de problèmes plus profonds et plus enracinés aux Philippines. On le voit avec l’absence de terres pour les agriculteurs, la stagnation du salaire minimum aux Philippines et toutes ces conditions qui poussent les Philippins à émigrer à l’étranger. »

Une fois arrivés au Canada, les immigrants philippins sont confrontés à des défis qui reflètent parfois les conditions de leur pays d’origine, mais aussi à de nouveaux défis.

Prenons, par exemple, le projet de loi fédéral C-12, qui s’inspire de certains éléments du controversé projet de loi C-2 pour restreindre les processus d’immigration établis et étendre les pouvoirs d’application de la loi du gouvernement. Le gouvernement vante ces lois comme renforçant la sécurité aux frontières, mais elles ont tendance à rendre les conditions des immigrants de la classe ouvrière plus incertaines.

Selon M. Sison, le projet de loi C-12 placera les immigrants dans des conditions plus précaires, ce qui leur laissera moins de possibilités d’emploi et des salaires plus bas. Il était furieux que les Philippins contraints de quitter leur pays d’origine se retrouvent à nouveau fortement exploités « au profit de l’élite au pouvoir » une fois arrivés au Canada.

Mais M. Sison affirme que les expériences communes de stagnation générale des salaires dans un contexte de hausse du coût des produits de base pourraient également constituer une force potentiellement unificatrice pour les travailleurs des deux pays.

« Aux Philippines et au Canada, nous pouvons constater un intérêt commun pour la classe ouvrière… et nous pouvons voir la nécessité d’un changement dans le système qui permette d’améliorer la situation de la classe ouvrière. »

Joignez-vous à la discussion!