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La semaine dernière, La Presse publiait une chronique intitulée « La CSN embauche un bum ». Patrick Lagacé y déblatère sur l'embauche « dégueulasse » d'un syndicaliste qui aurait suivi jusque chez lui un cadre, responsable d'avoir mis tous les travailleurs de son usine en arrêt de travail forcé. Mais c'est qui, le vrai fautif de cette histoire, M. Lagacé?
Est-ce le gars qui met de la pression sur une multinationale comme Rolls-Royce pour défendre les travailleurs qui l'ont élu? Ou l'autre, qui impose une baisse drastique de revenus à des centaines d'individus et de familles en les mettant en lock-out, leur coupant leurs assurances, et leur refusant ensuite de retourner au travail?
Bon, revenons rapidement sur cette histoire.
En rentrant chez lui en avril 2022, le directeur des relations de travail à l'usine Rolls-Royce de Montréal, Jean-Marc Hébert, a reçu une notification sur son iPhone qui signalait la présence d'un AirTag en mouvement. Suite à cela, il aurait trouvé le dispositif GPS sous sa voiture, rapidement suivi par l'arrivée de centaines de syndiqués de l'usine en lock-out, venus manifester devant chez lui.
Évidemment, le bonhomme a dénoncé le syndicat à la police. L'enquête qui a suivi n'a fait que confirmer ce que tout le monde soupçonnait: c'était intentionnel; c'était pour le pister.
Frédéric Labelle, président du Syndicat des Travailleurs et Travailleuses de Rolls-Royce Canada, a été accusé de harcèlement criminel. Récemment, il a plaidé coupable, recevant en échange une absolution, l'obligation d'un don à l'Indemnisation des victimes d’actes criminels et une peine de travaux communautaires. En gros, il a « fait son temps ».
Mais M. Lagacé n'en revient quand même pas. Il est « choqué ». Pourquoi? Il explique que « même si le conflit de travail était explosif, M. Hébert a été secoué par cette manif qui a ciblé sa résidence, » ce qu'il qualifie de 'geste extrême'. « Ses enfants étaient traumatisés, ce jour-là. Ils le sont encore. »
« J’ai toujours trouvé qu’aller manifester devant des résidences privées était une manœuvre digne de bums, » ajoute-t-il. « Qu’importe si c’est légal: c’est une forme légalisée d’intimidation qui passe un message terrifiant: On sait où tu habites. »
Ainsi, Monsieur Mon-Opinion-Est-Importante de La Presse pense que « saccager le sentiment de sécurité d’une famille, c’est toujours, toujours, toujours dégueulasse. » Quoique ce ne soit pas faux, il faut encore revenir à la base. Qui a commencé?
Il faut bien croire que quand des centaines de familles perdent leurs assurances et la moitié de leur revenu, ça doit bien saccager un peu leur sentiment de sécurité. Parce que le monde de l'usine se sont fait imposer de ne plus venir au travail, comme M. Hébert n'était pas content de leurs demandes d'amélioration de leurs conditions de travail.
Mais qui a dit que porter atteinte au sentiment de sécurité de centaines de personnes n'allait pas avoir de répercussions? M. Hébert et M. Lagacé, la réaction des gens à ce que vous faites sera proportionnelle au dommage que vous leur causez.
Plus vous les faites chier, plus ils vous feront chier. Moins vous les écouterez, plus ils seront drastiques. Si quelqu'un accepte d'utiliser des moyens aussi radicaux que mettre des centaines de personnes dans la marde pour gagner un débat, il faut s'attendre à un retour de balancier.
Et il faut accepter que M. Labelle, comme président de son syndicat, ait mené à une amélioration réelle des conditions de travail et de vie des gars et des filles de son usine. Il les a aidés à traverser des temps sombres, provoqués à la base par un Jean-Marc Hébert un peu trop arrogant.
Et ça, surtout s'il accepte les conséquences de ses gestes, ça mérite bien un emploi pour aider les autres à traverser les moments difficiles que M. Hébert ne manquera pas de faire vivre à des centaines d'autres travailleurs.
D'ailleurs, ce n'est pas comme si votre industrie ne faisait jamais d'embauche « discutables »...
M. Lagacé, nous serons toujours naïvement étonnés de la formidable capacité des chroniqueurs à défendre et à justifier l’indéfendable… surtout quand ces actes injustifiables sont commis par des patrons ou des hauts cadres.
Les médias traditionnels comme le vôtre sont formidables pour défendre les plus pourris de la classe sociale de leurs dirigeants, bec et ongles. Et des fois, ils ne font pas juste les défendre: ils leur donnent une job.
Votre industrie a été un véritable refuge pour les vieux croutons de la politique, ces déchus sortis de la misère en fin de carrière grâce à vos généreuses offres d'emploi.
Prenons par exemple des figures aussi controversées que Mario Dumont, Denis Coderre, Thomas Mulcair et Bernard Drainville, jusqu'aux plus corrompues comme Nathalie Normandeau, qui ont toutes trouvé dans vos studios et salles de rédaction un havre de réhabilitation.
Et que dire de cette manie de votre industrie à offrir des tribunes à ceux qui se font les ardents défenseurs des intérêts des riches, en opposition au peuple? Permettez-moi de vous rappeler une certaine Yasmine Abdelfadel, chroniqueuse au Journal de Montréal et ancienne directrice des communications pour... la Canadian Bankers Association!
Lorsqu'on parle des vrais champions à donner des jobs à desbums avec des délires de grandeur, disons que la CSN pourrait prendre des notes de votre industrie. Mais bon, on dit ça comme ça...