L'Étoile du Nord

État d’urgence dans la Chemical Valley

Une entreprise qui empoisonne une communauté des Premières nations tente de fuir les retombées

Temps de lecture:3 Minutes

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Le 17 avril, plusieurs membres de la communauté des Premières nations d'Aamjiwnaang ont été simultanément hospitalisés d'urgence pour des symptômes de nausées et de maux de tête. Le diagnostic : une exposition au benzène provenant de l'usine de plastique industrielle voisine, ce qui a poussé le chef et le conseil à déclarer l'état d'urgence le 25 avril. L'entreprise tente à présent de ne pas avoir à en assumer les conséquences.

Des niveaux élevés de benzène ont été détectés dans les fuites de l'usine d'INEOS Styrolution. Des services communautaires vitaux tels que le centre de santé, la garderie et les terrains de sport ont tous été fermés en raison de la présence de ce produit chimique toxique. Le benzène est utilisé dans les installations environnantes pour la fabrication de plastiques. Il s'agit d'un sous-produit issu de la transformation du pétrole brut en carburant.

« Nous comprenons la gravité de cet incident et sommes conscients des préoccupations de la communauté », a déclaré le chef Chris Plain sur Facebook. « Nous savions qu'un arrêt immédiat pourrait entraîner des relevés élevés, probablement les pics que nous connaissons actuellement. »

La Première nation d'Aamjiwnaang se trouve à côté de Sarnia en Ontario, près de la frontière américaine, au sud du lac Huron. La « Chemical Valley » du Canada, une région de 24 km de large, abrite 40% de l'industrie chimique du pays. Certaines des plus grandes entreprises du monde, telles qu'ExxonMobil, Enbridge, Suncor et autres, se sont installés le long de la rivière Sainte-Claire et de la réserve de la Première nation d'Aamjiwnaang.

INEOS a d'abord procédé à une fermeture volontaire de leur usine, puis le gouvernement provincial a temporairement révoqué les permis d'exploitation jusqu'au 15 mai, en attendant que l'entreprise élabore un plan de réduction des émissions de benzène.
Toutefois, INEOS envisage de faire appel de cette décision et maintient que ses systèmes de surveillance internes n'ont rien détecté d'anormal. INEOS figure sur le registre des normes techniques du gouvernement pour la pollution de l'air, ce qui dispense l'installation de se conformer à la norme annuelle de pollution de l'air pour le benzène.

Selon les contrôles effectués par Environnement et Changement climatique Canada, la province de l'Ontario et la Première nation Aamjiwnaang, les niveaux ont fortement augmenté au cours des derniers mois.

Le 17 mai, le ministre canadien de l'Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, a qualifié la situation de « tout simplement inacceptable » et a ordonné que les réservoirs de stockage contenant du benzène soient fermés hermétiquement « y compris les systèmes de ventilation entièrement fermés avec contrôle des vapeurs sur certains réservoirs de stockage » en raison de la présence confirmée de benzène dans la région. L'arrêté ne sera en vigueur que pendant 14 jours et, sous réserve d'approbation, pourrait être prolongé jusqu'à deux ans.

Mais les choses vont-elles changer dans la Chemical Valley ? En 2017, une combustion à la raffinerie Imperial Oil a brûlé durant 10 jours, couvrant le ciel de fumée et suscitant des craintes d'explosion de l'usine. Plusieurs générations de pollution, provenant des plus anciennes raffineries du monde et des puits de pétrole commerciaux, ont eu de graves conséquences sur la santé et les naissances de la communauté.

23 février 2017 (Capture d'écran d'une vidéo filmée avec un cellulaire)

Le benzène est un produit chimique dangereux, lié à des cancers et à des problèmes sanguins. Selon Environnement et Changement climatique Canada, « le benzène est un cancérogène connu. L'exposition à long terme au benzène peut affecter le sang et est associée à un risque accru de développer un cancer (la leucémie par exemple) ainsi que d'autres effets néfastes sur la santé, notamment des maladies du sang et une diminution des fonctions immunitaires. »

Les effets à long terme sur la santé sont liés à la proximité entre les résidents et les installations pétrochimiques. La Première nation Aamjiwnaang, dans la région de Sarnia, est directement voisine des 60 raffineries de pétrole et installations pétrochimiques qui constituent la « Chemical Valley ».

La situation en Ontario reflète des inquiétudes similaires à celles du Québec, où la fonderie Horne de Rouyn-Noranda émet depuis des années de l'arsenic à des niveaux bien supérieurs aux normes provinciales. Malgré les risques avérés pour la santé, la négligence juridique et l'inaction prolongent l'exposition des Premières nations et des travailleurs à ces polluants dangereux.

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