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Dans un règlement historique, Loblaws et Weston ont accepté la semaine passée de verser 500 millions de dollars à leurs clients lésés par le cartel du pain auquel ces géants de l'alimentation ont pris part entre 2001 et 2015. Bien que la somme versée par les deux monopolistes soit la plus grande jamais enregistrée dans un tel règlement, plusieurs experts sont sceptiques quant à son possible impact.
Selon Guillaume Tremblay-Boily, chercheur à l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS), il ne s'agit pas d'une somme réellement dissuasive. En effet, au dernier trimestre seulement, les profits de Loblaws s'élevaient à 459 millions de dollars. Les dommages qu'ils verseront comptent donc pour, au plus, le quart de leurs profits annuels.
Dans un communiqué publié le 30 juillet, cinq jours après le règlement, Galen Weston vantait d'ailleurs l'augmentation du chiffre d'affaires de son entreprise dans le secteur de l'alimentation et « l'engagement de Loblaw à offrir une valeur et un service remarquables » qui aurait, selon lui, « été reconnu par sa clientèle ».
Sur les 14 ans où elle est restée dans l'ombre, la combine quasi mafieuse à laquelle ont participé Loblaws et Weston leur aura permis, à l'échelle du pays, d'extorquer presque 5 milliards de dollars aux travailleurs du Canada.
Mais le fait que ce règlement évite de s'attaquer à ce qui a permis cette escroquerie est encore plus frappant pour Tremblay-Boily:
« Au-delà du règlement, étant donné la grande concentration du marché, les entreprises vont pouvoir continuer à fixer les prix, surtout, en plus, en considérant que pour avoir la coopération de Loblaws, le Bureau de la concurrence s'est engagé à ne pas faire de poursuites pénales. »
Au Canada, on peut parler de réels oligopoles dans le marché de l'alimentation. Cinq compagnies possèdent ensemble les trois quarts du marché. Ils peuvent ainsi imposer leurs conditions en toute impunité sur l'ensemble du marché. En effet, le bureau de la concurrence doit miser sur leur collaboration s'il veut pouvoir accéder à leurs données pour mener ses enquêtes.
Tremblay-Boily explique l'effet que cette concentration du marché a sur les prix des denrées alimentaires. « Une entreprise peut tout simplement refiler des hausses de prix à ses consommateurs. À ce moment-là, ça va être considéré comme une pratique tout à fait légale. Mais si une entreprise majeure comme Loblaws le fait, évidemment, le prix qu'elle va établir risque de devenir la nouvelle norme pour le marché. »
« Donc à ce moment-là, les situations comme celles qui ont été dévoilées avec la question de la fixation du prix du pain, c'est d'une certaine manière la pointe de l'iceberg. »
Cette concentration du marché donne alors un pouvoir démesuré aux grands joueurs de l'industrie. En ce moment, le Bureau de la concurrence enquête sur une autre pratique utilisée par Loblaws et Sobeys pour agrandir leurs parts de marché: les clauses d'exclusivité dans les baux commerciaux.
En résumé, la pratique consiste à signer des baux dans des centres commerciaux avec des clauses qui empêchent d'autres entreprises alimentaires de s'établir au même endroit. Cela leur assure d'avoir un monopole à l'échelle locale.
Résultat de ces pratiques d'un marché non encadré: l'ampleur des profits que touchent les grandes entreprises comme Loblaws et Sobeys augmentent constamment, de façon démesurée. En 2023, les profits réalisés dans le secteur de l'alimentation s'élevaient à 6 milliards de dollars, alors qu'en 2019 les profits se situaient à 2,4 milliards.