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C'est maintenant chose faite. Le vendredi 10 mai, le Tribunal administratif du travail (TAT) a accordé l'accréditation syndicale aux travailleurs de l'entrepôt DXT4 d'Amazon à Laval. Cette décision historique fait du centre de livraison le premier établissement syndiqué du géant du commerce au Canada.
Cette victoire est le résultat de deux ans d'efforts acharnés de la part des travailleurs et de la Confédération des syndicats nationaux (CSN). « Il faut encore rendre tout ça concret sur le plancher, mais c'est officiel qu'on l'a », explique dans une entrevue avec l'Étoile du Nord un militant de la CSN qui a préféré rester anonyme pour éviter des représailles de la compagnie.
« Tout le monde est fébrile et content. À l'intérieur de l'entrepôt, les travailleurs sont vraiment souriants. Ils ont hâte que le travail commence. »
Pourtant, la bataille est loin d'être terminée. Dès l'annonce de l'accréditation syndicale, Amazon a réagi en affirmant qu'ils ne reconnaissaient pas le syndicat et qu'ils contestaient l'article 28 du Code du travail du Québec, qui force notamment l'employeur à négocier avec un syndicat ayant obtenu la signature d'une carte d'adhésion par la majorité des travailleurs qu'il cherche à représenter. Les avocats de la multinationale considèrent que l'accréditation par vérification des cartes serait « antidémocratique » et « anticonstitutionnelle ».
« Ils veulent nous poursuivre jusqu'à la Cour suprême pour remettre la loi en cause », a ajouté le militant.
Pour lui, cette réaction de la part d'Amazon n'est pas surprenante et démontre une opposition générale aux droits des travailleurs de la part de la multinationale.
Il rappelle que le géant « fait la même chose aux États-Unis. Là-bas, ils contestent carrément le tribunal du travail américain lui-même. Donc, c'est clair qu'Amazon, ils sont prêts à attaquer les droits des travailleurs au complet pour éviter d'avoir un syndicat. »
« C'est vraiment là que tu vois que les gros monopoles se considèrent et agissent comme s'ils étaient au-dessus de la loi. Finalement, peu importe ce que la loi dit, eux, ils vont contester. Ils mettent ça dans une belle enveloppe et demandent plus de 'démocratie', mais la réalité, c'est tout le contraire », s'exclame-t-il.
Dans une communication envoyée vendredi en privé à tous les employés du centre de livraison DXT4 et obtenu par l'Étoile du Nord, Amazon affirmait que le tribunal avait accrédité le syndicat « sans permettre de vote ». Ils ajoutaient qu'ils veulent faire appel de la décision, disant qu'ils veillaient « à ce que les lois respectent le droit de chaque individu d'être entendu et de décider ce qui convient à tous nos employés. »
Pourtant, plus de 50% des travailleurs d'Amazon ont signé une carte, le même pourcentage que ce qui est demandé lors d'un vote.
Les gestionnaires ajoutaient, dans une traduction vers le français visiblement approximative: « Nous sommes une culture qui cherche toujours à s'améliorer et à innover, et nous continuerons de vous écouter, d'apprendre et de nous améliorer chaque jour. Nous continuons de nous concentrer sur votre sécurité, soutenir notre équipe et offrir le meilleur de nous même aux clients. »
Mais le militant de la CSN interviewé par l'Étoile du Nord ne croit pas que la majorité se laisse prendre à leur jeu. « Le discours public d'Amazon, tout le monde sait que c'est de la bouette. La population générale sait que les conditions de travail chez Amazon, c'est de la marde. Et il n'y a pas un employé d'Amazon qui croit à ce discours-là, à part les gestionnaires, pis même là! »
Il souligne que les conditions de travail offertes par Amazon ne résistent pas à la comparaison avec les emplois syndiqués dans le même secteur. « Même avec des salaires et des conditions de travail équivalentes, un syndicat, c'est aussi se faire respecter et avoir un pouvoir dans ton milieu de travail. Dans un endroit non syndiqué, le patron peut complètement changer les conditions de travail du jour au lendemain, et t'as rien à dire. Quand t'es syndiqué, ils peuvent pas. »
Il explique également que pour Amazon, la perspective de perdre sa « flexibilité » est encore plus inquiétante que d'offrir de meilleurs salaires. « C'est une question de pouvoir, parce qu'ils ne pourront plus contrôler le travail et les travailleurs comme ils veulent. Ils essaient de donner l'impression que ça ne les dérange pas, mais en même temps, ils sont en lutte ouverte contre le syndicat. »
Enfin, il croit que cette recherche de « flexibilité » n'est pas un phénomène isolé. « La loi 15 dans la santé, le projet de loi 51 en construction, c'est des réformes qui sont mises de l'avant pour que les employeurs aient plus de 'flexibilité' à diviser les tâches, à gérer le personnel comme ils veulent, et cetera. Pourquoi? Pour être plus productif, pour faire plus d'argent, pour baisser les coûts. C'est possible de combattre ça, et il faut le faire. »
Malgré les contestations d'Amazon, cette accréditation syndicale marque un tournant dans la lutte pour les droits des travailleurs chez Amazon.
« On est tous fiers de tout ce qu'on a fait. On est entré dans un mouvement qui est beaucoup plus grand que juste notre petit entrepôt. En Europe, il y a des gens qui font ça, aux États-Unis aussi. Mais on est surtout enthousiastes de continuer le travail. C'est comme un élan d'énergie pour continuer, parce que c'est loin d'être une finalité tout ça. On continue. On veut en syndiquer d'autres. Il faut montrer sur le plancher que le syndicat, ça change des affaires. On se retrousse les manches et on va se remettre au travail. On n'a pas de temps pour s'asseoir sur nos lauriers », conclut le militant.
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