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Dans le monde des firmes de consultation privées, peu de noms viennent avec autant de prestige que celui de McKinsey & Co. Connue pour sa discrétion autant que pour ses controverses, cette compagnie façonne, année après année, les économies et les gouvernements du monde entier. Elle passe partout pour changer les structures organisationnelles pour les faire fonctionner à l'unisson, alignant les intérêts qui les dirigent.
Cette firme multinationale opère de façon confidentielle et publicise le moins possible son travail: elle vend ses idées, mais également le crédit de ses idées. Cette approche lui permet de représenter des entreprises en compétitions — même si elle prétend ériger de solides barrières entre ses dossiers. Cette affirmation est remise en question par leur tentative d'influer sur la politique de l'Administration américaine des aliments et des médicaments (FDA) en 2018 pour le compte de son client corporatif Purdue.
En regardant les 40 dernières années du travail des firmes de consultations, ce qui saute le plus aux yeux est leur rôle dans la promotion du principe de la "primauté des actionnaires". Ce principe organisationnel a eu un rôle décisif dans le déclin du poids de la "classe moyenne" en occident.
La primauté des actionnaires est une approche managériale qui cherche à maximiser coûte que coûte la valeur tirée des actions d'une entreprise, devant sa pertinence dans la société. Ce principe a mené à de nombreuses suppressions d'emplois, délocalisations d'usines, intensification et dégradation des conditions de travail, et diminution des pensions et avantages sociaux. Les acquis des luttes ouvrières du XXe siècle, tels que des salaires élevés et de bonnes conditions de travail, ont été progressivement mis de côté.
Ces politiques sont le résultat des liens forts qu'entretient McKinsey avec les élites économiques et financières, et cela se reflète dans ses pratiques de recrutement. La compagnie attire un grand nombre de diplômés des grandes universités américaines en leur offrant des salaires alléchants. De nombreux PDG listés dans le Fortune 500 sont d'anciens employés de la multinationale, et être employé de la compagnie équivaut à une voie rapide vers de hauts postes dans des entreprises d'envergure mondiale.
Toutefois, l'influence de McKinsey s'étend bien au-delà du secteur corporatif alors que la compagnie se retrouve dans un nombre incalculable d'instances gouvernementales. Au Canada, par exemple, McKinsey a subtilement mais fortement influé sur sa politique d'immigration, ce qui a suscité des inquiétudes quant aux raisons qui ont mené à la fixation actuelle des objectifs en matière d'immigration. Au Royaume-Uni, McKinsey a obtenu un contrat en participant à un appel d'offres truqué pour fournir des analyses de rentabilité et des conseils en matière de stratégie technologique. McKinsey semble aussi avoir collaboré avec n'importe quel gouvernement, peu importe son orientation politique: Libéral au Canada, En Marche en France, Conservateurs en Grande-Bretagne.
L'aspect le plus inquiétant de l'influence de McKinsey est peut-être sa fonction de "gouvernement fantôme", travaillant potentiellement pour le compte d'intérêts privés. Le cabinet a été accusé de conseiller aux gouvernements de privatiser des services publics, de couper des programmes sociaux et de mettre en œuvre des mesures d'austérité qui profitent à ses clients. Des allégations similaires ont été formulées à l'encontre d'autres sociétés de conseil telles que Bain et Boston Consulting Group.
Ce n'est pas tant que McKinsey contrôle le monde par lui-même et pour lui-même, mais plutôt qu'il sert de lien entre les élites industrielles, politiques et financières. Elle unit leurs intérêts et leurs modes de fonctionnement.
Illustration de cette collusion, McKinsey, dirigé par son ancien employé Pete Buttigieg, aurait été possiblement impliqué dans le scandale de la manipulation du prix du pain au Canada de 2005 à 2015, ayant été embauché pour travailler sur la fixation des prix des produits en magasin durant cette période. Bien entendu, cela s'est produit avant que Pete Buttigieg ne se présente aux élections primaires démocrates et ne devienne secrétaire américain aux transports.