L'Étoile du Nord

Travailleurs étrangers temporaires

Le permis de travail temporaire propice à l’esclavage selon l’ONU

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En septembre dernier, Tomoya Obokata, le rapporteur spécial de l'ONU sur les formes contemporaines de l'esclavage était de visite au Canada. Suite à son séjour, le rapporteur a publié un rapport dans lequel il met en garde contre les programmes de permis de travail temporaire. Il explique que ces régimes de permis "rendent les travailleurs migrants vulnérables aux formes contemporaines d'esclavage, car ils ne peuvent pas dénoncer les abus subis sans craindre d'être expulsés".

Lors de sa visite, plusieurs travailleurs, accompagnés par le Centre des travailleurs immigrants (CTI), ont partagé leur expérience avec Obokata. L'Étoile du Nord s'est entretenue avec Raphaël Laflamme, organisateur communautaire au CTI à Québec. "Le rapport corrobore la vision qui est mise de l'avant depuis longtemps par le CTI et d'autres groupes communautaires,   qui est qu'on met carrément la vie des travailleurs dans la main des employeurs. C'est-à-dire que leur droit d'être au Canada, de travailler, dans certains cas même leur droit au logement, est lié à l'employeur. C'est ça qui est dénoncé comme étant un rapport néo-esclavagiste."

Les heures de travail non payées sont devenue la norme pour les TET. Certains travaillent plusieurs mois sans être payés, comme dans le cas des préposés aux bénéficiaires de la Villa Mon Domaine à Lévis. De plus, leurs accidents ou maladies de travail restent généralement non déclarées, exposant ainsi les TET à des pertes de salaire pour les journées de travail manquées. Plusieurs restent des années dans ces conditions, et bien que les permis de travail soient "temporaires", ils sont souvent renouvelés année après année.

Raphaël Laflamme dénonce aussi le peu de recours dont disposent les travailleurs étrangers temporaires. "Il n'y a pas d'inspection systématique des entreprises qui engagent des travailleurs étrangers temporaires par la CNESST. Même s'il y a des plaintes, les conséquences pour l'employeur sont souvent bidons, comme une amende ou une suspension. Pour être banni du programme de TET, il faut pratiquement avoir tué quelqu'un. Au niveau des recours fédéraux, on est vraiment limité, parce que la même instance qui déporte les gens est censée être leur recours contre les abus."

Malgré cela, le nombre de travailleurs étrangers temporaires employés au Canada augmente rapidement. On en compte à peu près un million au Canada en 2023. Dans son plan pour 2022, le ministre de l'Immigration du Québec disait vouloir soutenir les employeurs pour augmenter leur nombre. Le gouvernement caquiste avait d'ailleurs versé plusieurs millions de dollars à diverses organisations pour favoriser leur attraction. Dans le cours des années 2020 à 2023, le nombre de permis délivrés dans le cadre des programmes de TET a dépassé le nombre d'immigrants permanents acceptés.

Selon Raphaël Laflamme, la popularité des TET chez les employeurs et le gouvernement s'explique par les mauvaises conditions de travail qu'on peut leur imposer. "Ça fait partie d'une force qui met de la pression sur les conditions de travail vers le bas dans la société. Pour un employeur, embaucher des travailleurs temporaires c'est l'occasion d'offrir un salaire moindre qu'il offrirait à un québécois qui, lui, a l'option de démissionner. Les secteurs d'emploi où les conditions de travail sont sous la moyenne, c'est là où il y a de plus en plus de TET parce qu'on les emprisonne et on ne leur laisse pas le droit de changer d'emploi."

En septembre dernier, les quatre plus grandes centrales syndicales du Québec (CSN, FTQ, CSQ et CSD) ont uni leur voix pour réclamer l'abolition des permis de travail fermés. "Ces permis privent les travailleurs et les travailleuses du droit de changer d’emploi. Le fait d’être lié à un seul employeur au risque de devoir repartir dans leur pays d’origine mène à des situations d’abus et d’exploitation qui s’apparente à de l’esclavagisme moderne", dénonce le secrétaire général de la FTQ, Denis Bolduc.

Le CTI propose plusieurs solutions pour améliorer les conditions des travailleurs migrants. Parmi celles-ci, on retrouve l'abolition des permis de travail fermés et la mise sur pied d'un programme de régularisation des personnes sans papiers « qui ont perdu leur statut en tombant dans des craques administratives ou qui ont fui la violence dans leur emploi et qui se ramassent sans aucun papier. »

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