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Crise du logement au Québec

Les promoteurs immobiliers renforcent la pénurie en baissant les mises en chantier

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Les mises en chantier résidentielles ont enregistrées une baisse record cette année au Québec. Dans la grande région de Montréal, la construction d'habitations à reculé de 58%, soit la baisse la plus importante enregistrée depuis un quart de siècle. Pour l'ensemble du Québec, la baisse est de 53%. Cela vient amplifier une rareté de logement déjà très importante dans la province. En 2022, seul 1,7% des logements au Québec étaient inoccupés.

L'Étoile du Nord s'est entretenue avec François Saillant, ancien porte-parole du Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) et membre du comité logement de Rosemont, pour comprendre les raisons derrière la baisse des mises en chantier et les impacts qu'elle aura sur la crise du logement au Québec.

Selon lui, le marché privé fait gonfler la rareté des logements pour effectuer une pression vers le haut sur les loyers. « Le prix moyen des logements à louer à Montréal est frappé par une hausse de 10% par rapport à octobre 2022. C'est clair que le marché, la crise comme elle est là, fait l'affaire des grands investisseurs, des fonds d'investissement immobiliers et à mon avis, c'est ce qui explique qu'à l'heure actuelle, on ne construit pas plus de logements, comme la logique le voudrait. »

Saillant explique que c'est un phénomène qu'on a déjà pu observer dans le passé. « À chaque fois qu'il y a des crises, il se construit très peu de logement. Au début des années 2000 il y avait une grande rareté dans le logement locatif. À ce moment là il se construisait principalement des condos. Puis c'est juste dans les années 2010 que la construction de logements locatifs a repris. »

Il ajoute toutefois une nuance. « Une des particularités de la crise actuelle, si on la compare aux début des années 2000, c'est qu'aucun centre urbain n'est épargné. Un rapport de la Société canadienne d'hypothèques et de logement indique que tous les centres urbains sauf 1 sont affectés par une pénurie grave de logement au Québec. Des taux de logements innocupés en bas de 1%, c'est très fréquent. »

À cela s'ajoute la financiarisation du marché immobilier. « C'est de plus en plus contrôlé d'un bout à l'autre par des fonds fonciers immobiliers, de la construction à la gestion. À l'heure actuelle on peut même pas parler de complot, c'est un contrôle ouvert du marché. C'est le marché lui même qui veut la situation telle qu'elle est là, sinon il se remetterait à construire. »

François Saillant

C'est ce qu'on peut observer dans d'autres grandes villes au Canada « Dans le cas de Vancouver, le loyer moyen est de 3339$ et à Toronto, il est de 2900$. Dans ces villes-là, la «job» est faite. Alors dans ce cas là, les promoteurs immobiliers peuvent se permettre de recommencer à construire.» Et c'est le cas, Toronto et Vancouver enregistrent des hausse de mises en chantier respectives de 32% et 49% par rapport à octobre 2022.

En plus de la baisse des mises en chantier, le nombre de plus en plus important de familles qui ne peuvent pas se permettre d'accéder à la propriété joue sur la rareté en hausse des logements locatifs. « Pour la première fois, le recensement de 2021 indiquait que le pourcentage de locataires augmentait alors que celui de propriétaires diminuait. Ça, c'était avant la hausse des taux d'intérêts actuels. »

Pour résoudre le problème, le FRAPRU demande la socialisation du parc de logement locatif. Selon eux, le logement étant une nécessité, il est crucial de le préserver des entreprises immobilières monopolistes et des investisseurs qui cherchent à en tirer profit. De leur côté, les regroupements de comités de logement et d'associations de locataires du Québec demandent au gouvernement de geler les loyers, à défaut de mettre en place des mesures concrètes pour contrôler les augmentations.

Dans la dernière année, dans la grande région de Toronto, des groupes de locataires ont lancé des grèves de loyers de plusieurs semaines pour protester contre les hausses abusives de loyer. C'est le cas des locataires de trois batiments de Thorncliffe Park Drive qui ont mené une grève de loyer contre Starlight Investments, un des plus grands propriétaires au pays.

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