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Crise du logement à Verdun

Une campagne pour un moratoire sur les évictions

Temps de lecture:4 Minute

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En juin, le comité d'action des citoyens et citoyennes de Verdun (CACV) a lancé une campagne pour demander un moratoire sur les évictions. Le CACV vise les permis d'agrandissement et de subdivision émis par l'arrondissement. Ceux-ci sont utilisés par les propriétaires pour effectuer des "rénovictions", c'est-à-dire expulser des locataires pour diviser ou agrandir un logement et augmenter le coût du loyer. Résultat de cette pratique, les loyers ont bondi de 28% dans les 4 dernières années à Verdun et 2680 ménages à faible revenu ont été évincés du quartier.

Lyn O'Donnell, organisatrice communautaire du CACV explique à l'Étoile du Nord: "Les niveaux d'évictions que nous voyons à Verdun, mais aussi à travers Montréal et le Québec, sont scandaleux en ce moment et les permis qui sont délivrés sont également scandaleux. Lorsqu'un propriétaire ou un spéculateur dispose de tels permis, il peut presque décider à sa guise de ce qu'il veut faire. C'est presque un feu vert total. Le locataire peut contester l'expulsion devant le tribunal, mais le tribunal administratif du logement considère ces permis comme une impunité pour évincer."

Toutefois, il existe des arrondissements où ces permis sont légèrement plus encadrés. Lyn ajoute: "Ce que nous avons observé en 2018, c'est que 8 ou 9 arrondissements, y compris le sud-ouest, ont adopté des règlements plus stricts. Ce n'est pas parfait, mais c'est mieux, de sorte qu'ils limitent le nombre d'unités par bâtiment qui peuvent être fusionnées ou subdivisées. Dans d'autres endroits, par exemple, si vous avez un quadruplex, vous ne pouvez pas faire une fusion."

"À Verdun, nous avons beaucoup de quadruplex et nous avons appris que presque tous les immeubles touchés par ces types d'évictions étaient des quadruplex. Dans notre règlement, les quadruplex ne sont pas protégés. Il est évident que nous devons modifier le règlement pour qu'ils soient protégés. [Les élus municipaux] refusent de le faire."

En 2018, les élus du conseil d'arrondissement de Verdun ont déposé un projet de règlement pour encadrer l'attribution de ces permis. Dès que le projet a été déposé, la corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), accompagnée des propriétaires et spéculateurs du quartier ont exprimé leur mécontentement au conseil d'arrondissement. Les élus ont considérablement dilué le règlement de sorte que les quadruplex n'y sont plus inclus. "Ce qui fait que les locataires ne sont pas protégés contre les évictions" déplore Lyn.

"Ils défendent catégoriquement l'absence de règlements alors que les organisations communautaires leur ont dit explicitement ce qu'ils devaient faire, mais ils continuent à dire "nous devons faire plus d'études, nous avons besoin de données". Mais nous disons non, nous avons les données et la situation est vraiment mauvaise, alors maintenant vous devez faire quelque chose. C'est la raison pour laquelle, au fil des ans, nous avons essayé de les inciter à renforcer ces règlements, mais à ce stade, nous disons simplement: non, nous voulons un moratoire, nous voulons mettre fin à tous ces permis."

Il existe plusieurs précédents à la demande formulée par le CACV. Par exemple, la ville de Hampstead n'autorise pas de permis de subdivision ou d'agrandissement à moins que le locataire n'ait un autre endroit où aller. D'autre part, les expulsions ont été interdites pendant la crise de Covid, et la crise du logement est toujours d'actualité. "Les élus reconnaissent que nous sommes en pleine crise du logement" affirme Kay Lockyer du CACV "mais leurs actions ne suivent pas leurs paroles."

Un argument avancé par la municipalité pour éviter de renforcer les règlements est qu'il ne faut pas nuire aux familles. Selon Lyn, ce que les élus entendent par là c'est le cas spécifique de propriétaires de maisons qui veulent les agrandir pour y loger leur famille. "Mais cela ne doit pas faire oublier qu'à Verdun, plus de 70 % des familles sont locataires. Qui sont donc les familles dont nous parlons?"

Les élus évoquent aussi la limite de leurs pouvoirs pour fuir leur responsabilité face aux évictions qui prennent place dans leur arrondissement. "L'un des conseillers municipaux a répondu à notre appel qui dénonçait la situation en disant "nous ne délivrons pas les permis, ce sont les fonctionnaires qui les délivrent".

Selon Lyn, tout cela n'est pas surprenant quand "les gouvernements sont absolument de mèche avec les spéculateurs. Beaucoup de nos représentants élus sont des propriétaires. Lors des dernières élections municipales, nous avons eu des candidats qui étaient de véritables spéculateurs." Nous pourrions notamment parler d'Antoine Richard, candidat à la mairie de Verdun avec Ensemble Montréal qui s'est défendu lors d'un débat électoral d'avoir récolté 417 000$ à travers des "flips" immobiliers interdits en 2019 et 2020.

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