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Présentation au Conseil des relations internationales

Malgré les faits, Trudeau affirme que les minières respectent les populations

Temps de lecture:4 Minute

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Le 28 avril dernier, le Premier ministre Justin Trudeau donnait une présentation au Conseil des relations internationales à New York portant notamment sur le rôle du Canada dans la politique internationale. Une déclaration en particulier à beaucoup fait parler d'elle, celui-ci affirmant que:

"Le lithium produit au Canada coûtera plus cher, car nous n'utilisons pas de main-d'œuvre d'esclave, nous mettons de l'avant la responsabilité environnementale, nous comptons travailler en partenariat avec les populations autochtones, nous payons des salaires équitables et attendons des normes de sécurité."

Toutefois, les activités minières du Canada, surtout à l'étranger, ne semblent pas suivre en pratique ces principes vantés par le premier ministre. En effet, le Justice and Accountability Project (JCAP), une clinique juridique transnationale basée à Toronto, a publié un rapport où elle "documente les incidents de violence et de criminalisation associés aux entreprises minières canadiennes en Amérique latine entre 2000 et 2015."

Ce rapport a notamment trouvé, parmi 28 compagnies minières canadiennes en Amérique latine, 44 décès, dont 30 considérés comme "ciblés"—c'est-à-dire que les victimes semblent avoir été choisies et auraient subit des actes délibérés—ainsi que 403 blessures, dont 363 au cours de manifestations et d'affrontements. Les recherches du JCAP montrent également que seuls 24,2% des décès et 12,3% des blessures répertoriées par l'organisation sont inclus dans les rapports obligatoires des entreprises, et que lorsqu'elles le sont, c'est en termes très vagues.

On y parle également des impacts dévastateurs de ces opérations minières en Amérique latine sur l'environnement: destruction des glaciers, contamination des eaux et des rivières, déforestation, érosion, etc.

Plus récemment, au Guatemala, la compagnie canadienne Pan American Silver a du s'excuser à la suite d'une altercation où la sécurité armée d'une de leur mine ait tiré à balles réelles sur des manifestants réclamant que la communauté soit consultée sur les nouveaux projets miniers dans la région.

Ces exemples ne représentent qu'une fraction des violations des droits de l'homme commises par les entreprises minières canadiennes à l'étranger, en prenant en compte que moins d'un tiers des compagnies minières canadiennes—qui représentent à elles seules 75% des compagnies minières du monde entier—sont en Amérique latine.

Du côté de l'Afrique, en Érythrée, c'est la compagnie vancouvéroise Nevsun qui a le plus fait parler d'elle alors qu'une poignée d'anciens travailleurs de la mine Bisha les ont poursuivis en justice pour torture, travail forcé, esclavage et crimes contre l'humanité.

"Les travailleurs étaient ligotés et battus, attachés sous le soleil brûlant et abandonnés pendant des heures, alors qu'ils gagnaient environ 30 dollars américains par mois. Il n'y avait pas de congé de maladie et ils risquaient des représailles qui affectaient leurs familles s'ils prenaient un congé."

-Travailleuse de la mine Bisha, Érythrée

La triste histoire de la mine Bisha ne semble pas être un cas isolé, dans une lettre adressée au sénat par le Réseau canadien sur la reddition de compte des entreprises en 2022, on peut lire:

"Il est impératif que le gouvernement du Canada prenne rapidement des mesures pour répondre aux nombreux rapports faisant état de travail forcé, de travail des enfants et d'autres violations des droits de l'homme dans les activités mondiales des entreprises canadiennes et dans les chaînes d'approvisionnement mondiales du Canada."

Même sur le sol canadien, les principes de collaboration avec les peuples autochtones et les communautés locales que le premier ministre prétend défendre ne reflètent pas la pratique des minières multinationales. C'est notamment le cas de la compagnie De Beers, qui a du plaider coupable en 2021 d'avoir omis de fournir des données de surveillance du mercure relatives à la mine Victor, située en amont de la Première nation d'Attawapiskat en 2014. La compagnie pompait l'eau de la mine dans un réseau de ruisseaux reliés au fleuve Attawapiskat, ce qui entrainait des niveaux élevés de mercure dans l'eau et les populations de poissons.

Le cas de la Fonderie Horne de Rouyn-Noranda, où la minière Glencore a obtenu la permission par le gouvernement québécois d'émettre 24x plus d'arsenic dans l'air que la norme provinciale, montre également le peu de soucis des gouvernements pour les normes de santé autour de l'industrie minière. Conséquence directe de ces émissions: on dit que les risques de cancer pour les résidents de Rouyn-Noranda sont nettement plus élevés. Le directeur de la santé publique de l'époque, Horacio Arruda, avait choisi de retirer les données concernant les dangers de ces émissions excessives d'un rapport destiné aux résidents.

Cette tentative de la part du premier ministre de faire passer les entreprises minières canadiennes pour des champions de l'environnement et des droits de l'homme lui permet de se présenter comme l'alternative "verte" et "humaine" aux compagnies chinoises afin de conserver un avantage concurrentiel par rapport à la Chine. Désavouer cette industrie pourrait être un jeu dangereux pour le premier ministre, alors qu'une part immense du PIB canadien—5%—provient du secteur minier et que celui-ci prend de plus en plus d'importance pour le Canada alors qu'il tente de se positionner comme leader de la production de batteries et de la "transition écologique".

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