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Le 7 octobre dernier, le conflit israélo-palestinien a éclaté dans un nouveau cycle de violence dévastatrice qui a captivé l'attention du monde. Plus de 2000 civils, dont 500 enfants et 276 femmes, ont perdu la vie, et une offensive terrestre à Gaza en représailles aux attaques du Hamas est redoutée. Israël a réclamé l'évacuation d'un million de personnes dans le nord de la région, suscitant des inquiétudes quant au respect du droit international. Pour ajouter au chaos, la couverture médiatique récente se caractérise par une surabondance de raccourcis intellectuels et historiques.
Les récentes attaques des combattants palestiniens ont été décrites par les médias comme du terrorisme, comme provenant d'un conflit religieux, comme soudaines. Pourtant, elles ont des origines bien plus complexes et sombres que ces affirmations simplistes laissent entrevoir. C'est une question qui dépasse les simples différences religieuses, enracinée dans une histoire de colonisation, de dépossession et d'intérêts géopolitiques et économiques.
Les racines du conflit
Contrairement aux idées reçues, juifs et musulmans ont coexisté en paix relative pendant des siècles au Moyen-Orient. Le conflit entre Israël et la Palestine n'est pas une vieille querelle religieuse, mais plutôt une dispute fondamentalement politique et économique. Elle prend ses racines dans la persécution des Juifs en Europe, dans l'intervention de pays étrangers au Moyen-Orient et dans l'émergence du sionisme.
Cette idéologie est apparue dans la 2e moitié du 19e siècle, et visait à créer un État juif en Palestine. Theodor Herzl, un dirigeant juif de Vienne, a joué un rôle clé en publiant un manifeste en 1896 et en organisant un congrès en 1897 à Bâle pour promouvoir cette idée. Le mouvement encourageait l'achat de terres en Palestine, marquant ainsi le début de la colonisation juive dans la région.
Le sionisme n'était pas la seule option pour les Juifs européens à l'époque. Le mouvement laïque bundiste prônait l'autonomie juive sans séparatisme, la préservation de la culture ashkénaze et l'organisation des travailleurs juifs. De nombreux Juifs européens promouvaient aussi l'intégration dans les cultures et sociétés de leurs pays de résidence ou d'immigration.
Environ 25 000 Juifs vivaient en Palestine au tournant des années 1880, soit 4% de la population locale, alors que le pays était encore gouverné par l'Empire ottoman. Cependant, à la fin des années 1880 et au début des années 1900, l'antisémitisme en Europe a poussé de nombreux Juifs à quitter le continent. Au début de la Première Guerre mondiale, il y avait environ 80 000 Juifs en Palestine, ce qui correspondait à environ 3% de la population de la région.
En guerre avec l'Empire ottoman dans le cadre de la 1ère Guerre mondiale, les Britanniques craignent de perdre l'accès à des routes commerciales cruciales. Pour gagner le soutien des communautés arabes et juives au Moyen-Orient, les Britanniques ont émis deux promesses simultanées. D'une part, la Déclaration Balfour prévoyait la création d'un État juif en Palestine, et d'autre part, la promesse d'un État arabe unifié dirigé par le chérif arabe de La Mecque. Toutefois, en 1916, la France et l'Angleterre ont signé en secret l'accord Sykes-Picot, qui prévoyait le partage de la région selon leurs intérêts économiques, compromettant ainsi la seconde promesse.
Après la défaite de l'Empire ottoman lors de la Première Guerre mondiale, l'Angleterre a pris le contrôle de la région d'Israël et de la Palestine sous le "mandat palestinien". En 1922, la Société des Nations, précurseur de l'ONU, a intégré les termes de la déclaration Balfour dans un accord, entrainant l'arrivée de 250 000 réfugiés juifs européens en Palestine sous l'influence du sionisme. Beaucoup ont préféré émigrer vers l'Amérique du Nord, principalement les États-Unis (avec de 300 000 à 500 000 Juifs), tandis que le Canada en a accueilli seulement 40 000 à 60 000, en raison de politiques à tendance antisémites.
La période coloniale britannique en Palestine a été marquée par un pouvoir tyrannique sur les Arabes palestiniens, qui étaient de plus en plus préoccupés par l'arrivée massive de Juifs européens. L'escalade des hostilités, supervisée par les Britanniques, était provoquée par l'émergence de milices juives et arabes sur les terres palestiniennes en raison de cette tension croissante. Bien que souvent dirigée contre les Britanniques, la violence entre Arabes et Juifs était également répandue, chaque groupe luttant pour conserver le contrôle de certaines zones de la région.
En 1947, les Nations unies ont adopté un plan de partage qui consistait à diviser la Palestine en deux États distincts, l'un pour les Juifs et l'autre pour les Palestiniens, avec Jérusalem sous contrôle international. Cela représentait l'occasion parfaite pour l'alliance menée par l'Angleterre et les États-Unis (et appuyée par le Canada) de conserver leur domination économique au Moyen-Orient, en mettant en place un État aligné sur leurs intérêts, au contraire des populations arabes qui luttaient contre leur domination dans la région.
Cependant, la mise en œuvre du plan s'est heurtée à la résistance des États arabes et des Palestiniens, ce qui a entrainé une série de conflits et de guerres. Au cours de cette période, 750 000 Palestiniens ont été déplacés ou expulsés et leurs villages ont été détruits, ce qui a lancé la crise des réfugiés palestiniens, qui dure jusqu'à ce jour.
L'occupation et l'apartheid en cours
Après la guerre des Six Jours de 1967, Israël a occupé la Cisjordanie, la bande de Gaza et Jérusalem-Est, une occupation toujours en cours aujourd'hui. Les politiques israéliennes, telles que la construction de colonies en territoire occupé, la confiscation de terres palestiniennes et la construction du mur de séparation, ont été fortement critiquées pour leur violation du droit international, en particulier la quatrième Convention de Genève.
L'expansion des colonies israéliennes et le contrôle militaire violent exercé sur les territoires palestiniens ont aggravé les tensions, provoquant des flambées de violence régulières. À ces actions est venu s'ajouter la loi israëlienne sur l'État-nation de 2018, qui stipulait que seul les juifs ont le droit à l'autodétermination sur le territoire, qui retirait à l'arabe un statut de langue officielle, et qui définissait l'expension de la colonisation comme "valeur nationale". Cette accumulation a soulevé des inquiétudes dans le monde entier, Amnesty International et Human Rights Watch qualifiant les politiques d'Israël d'apartheid,en référence à la ségrégation et à l'oppression raciale qui ont pris fin en Afrique du Sud en 1991.
Une jeunesse née de la guerre
Il y a dix-sept ans, Israël a instauré un siège hermétique sur la bande de Gaza, une mesure qui a façonné la vie d'une génération entière. Cette période s'est avérée suffisamment longue pour que des jeunes grandissent sous le poids de la résistance et de la quête de leur liberté. Selon les statistiques de l'organisation Save The Children, près de la moitié des 2,3 millions de Palestiniens qui résident dans la bande de Gaza aujourd'hui sont des enfants.
Cette réalité cruelle met en évidence la souffrance endurée par une jeune population qui n'a jamais quitté cette minuscule bande de terre de 365 kilomètres carrés, plus petite que l'île de Montréal. Cette génération, née ou ayant grandi depuis l'instauration du siège, a connu au moins cinq guerres majeures dévastatrices, au cours desquelles les enfants, leurs mères, pères, frères et sœurs sont devenus les principales cibles des militaires israéliens.
Même les tentatives pacifiques de protester contre l'injustice du siège, par des rassemblements massifs le long de la clôture séparant Gaza assiégée d'Israël, ont été sévèrement réprimées. Les manifestations de masse, connues sous le nom de "Grande Marche du Retour", ont été accueillies par des tirs de sniper israéliens. Les images poignantes d'adolescents portant d'autres jeunes blessés sont devenues une scène tragiquement courante près de la clôture.
Le résultat de cette lourde histoire? Le 7 octobre, des centaines de combattants ont réussi à traverser la frontière depuis Gaza par quatre points d'entrée différents. Ces jeunes Palestiniens sont ceux-là mêmes qui n'ont connu que la guerre, le siège et la nécessité de se protéger mutuellement, tout ça à cause du choix d'une alliance de grandes puissances de favoriser un peuple plutôt qu'un autre. Ce qui se passe actuellement n'est pas une attaque islamiste, ni une soudaine explosion de violence: c'est le débordement d'un vase d'histoire qui ne pouvait en accumuler plus.
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