L'Étoile du Nord

Le premier syndicat Amazon en Europe ?

Les travailleurs britanniques d’Amazon votent sur la reconnaissance de leur syndicat

Temps de lecture:5 Minutes

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Il y a environ deux ans, des centaines de travailleurs d'Amazon à l'entrepôt BHX4 de Coventry, en Angleterre, débrayaient spontanément pour protester contre une augmentation de salaire dérisoire. Aujourd'hui, après plus de 30 jours de grève cumulés, une tentative infructueuse de reconnaissance syndicale et l'éclosion d'un mouvement de grèves et d'actions dans les entrepôts d'Amazon à l'échelle du Royaume-Uni, 3 000 travailleurs de l'entrepôt BHX4 sont sur le point de devenir le premier syndicat Amazon reconnu en Europe.

Le 19 avril, le syndicat GMB, qui soutient les travailleurs de BHX4 depuis leur premier débrayage en 2022, a annoncé que le Comité central d'arbitrage (CAC) avait statué en faveur de leur demande de vote de reconnaissance syndicale dans l'entrepôt.

« C'est la première fois qu'on parviens à faire ça au Royaume-Uni », a déclaré Stuart Richards lors d'un entretien avec l'Étoile du Nord, « et c'est un énorme, énorme pas en avant. Il reste encore une montagne à gravir, mais c'est un grand pas en avant. »

En juin de l'année dernière, GMB avait entamé une première demande de reconnaissance syndicale, mais avait dû la retirer après avoir appris qu'Amazon avait inondé l'entrepôt de plus de 1 300 nouvelles recrues afin de diluer le pourcentage de membres signataires de la carte.

Pour obtenir la reconnaissance syndicale au Royaume-Uni, le GMB doit obtenir que 50% plus un des travailleurs signent une carte syndicale. Garfield Hylton, travailleur de longue date à BHX4 et représentant du GMB, a déclaré à l'Étoile du Nord que le pourcentage nécessaire de travailleurs ayant signé une carte n'a pas encore été atteint à BHX4, mais qu'il est en voie de l'être. Selon lui, ils représentent entre 40 et 46% de la main-d'œuvre.

Il est indéniable que la demande est un pari. Sans la certitude d'avoir déjà 50% plus un à la date de la demande, les travailleurs de BHX4 et le GMB risquent de ne pas atteindre le pourcentage requis lorsque la reconnaissance fera l'objet d'un vote, ce qui signifie qu'ils ne pourront pas déposer de demande de reconnaissance syndicale avant trois ans.

Cependant, M. Richards a déclaré à l'Étoile du Nord que les militants syndicaux, qui ont été les principaux moteurs de la campagne syndicale à l'intérieur de l'entreprise, ont poussé le GMB à déposer la demande parce qu'ils sont convaincus que le processus de vote offrira l'occasion de rallier davantage de travailleurs au syndicat.

Crédit : gmb.org.uk.

« Amazon passe beaucoup de temps à essayer de présenter le syndicat comme une organisation externe et ne tient pas compte du fait que les personnes qui construisent le syndicat sur le lieu de travail sont les militants qui sont déjà sur place et qui sont largement soutenus par un grand nombre de travailleurs. En fait, ils bénéficient d'une confiance bien plus grande que les actionnaires et les patrons d'Amazon. »

« On n'a pas constaté de réduction du nombre de membres à la suite du sabotage syndical. Tout ce qu'on a vu, c'est, encore une fois, une augmentation de la colère de la part des travailleurs qui considèrent qu'il s'agit d'une véritable tentative pour essayer de limiter leur voix. »

Le 26 avril, le GMB a annoncé que les travailleurs de BHX4 intentaient une action en justice contre Amazon en raison de leurs pratiques flagrantes et coercitives de répression syndicale, de plus en plus effrontées depuis le sabotage de la tentative de reconnaissance de l'été dernier. En outre, Amazon a mis en place une nouvelle direction pour mieux « communiquer » ses politiques aux travailleurs immigrés récemment arrivés. Richards explique:

« Pour la première fois, on a vu des cadres venus d'ailleurs et parlant d'autres langues arriver pour expliquer aux travailleurs pourquoi ils ne devraient pas se syndiquer. Et les travailleurs se disent: 'Pourquoi cette personne vient me dire, maintenant, que je ne dois pas me syndiquer, alors que cela fait des années que je leur demande de faire venir quelqu'un pour m'expliquer leurs politiques?' Encore une fois, c'est assez flagrant, mais ça n'a pas marché. Les travailleurs se révèlent beaucoup plus forts que la répression syndicale à l'heure actuelle. »

Interrogé sur la manière dont la reconnaissance syndicale modifierait les conditions de travail à BHX4, M. Hylton a cité deux exemples distincts de travailleurs contraints de travailler en dépit d'une fuite de gaz et d'un incendie pour illustrer le fait que les travailleurs n'ont actuellement pas voix au chapitre en ce qui concerne leurs conditions de travail.

Malgré l'absence de reconnaissance syndicale, M. Richards affirme que l'énergie qui règne dans l'atelier montre tout le contraire. « Coventry ressemble en ce moment à un entrepôt syndiqué. Il y a donc des militants qui se promènent avec leur chandails GMB… Ils soutiennent les travailleurs dans toutes les réunions formelles, les mesures disciplinaires, les griefs… On est déjà en lutte sur les salaires et en train de faire la grève. Donc je pense que le travail qu'ils ont accompli jusqu'à présent renforce le fait que la reconnaissance est la cerise sur le gâteau. Ce n'est pas notre objectif final, ça fait partie de la lutte. »

Crédit : GMB Midlands/Twitter.

De l'autre côté de l'Atlantique, les travailleurs d'Amazon au Canada ont alimenté les cauchemars syndicaux de Jeff Bezos en déposant récemment une demande de reconnaissance syndicale dans l'entrepôt DXT4 de Laval et dans deux centres de traitement des commandes en Colombie-Britannique. Hylton a réagi à cette nouvelle:

« Je pense que le fait qu'ils fassent ce qu'ils font maintenant est génial. Il faut l'admirer. Et s'ils ne le font pas, ils trouveront chez Amazon un enfer d'exploitation, parce qu'Amazon est passé maître en la matière. »

M. Richards a réagi à son tour: « Le GMB tient à exprimer son soutien et sa solidarité à ces travailleurs. Il ne faut pas sous-estimer à quel point c'est fou d'en arriver là. On va donc célébrer le moment où ils franchiront la ligne et gagneront. Et on espère qu'à un moment donné, certains de nos militants pourront aller les voir et leur témoigner leur soutien et leur solidarité, et vice-versa. »

Il poursuit : « C'est en développant des réseaux mondiaux de solidarité qu'on parviendra à gagner. Nous devons gagner à Amazon, parce que ce qui se passe à Amazon se reproduira sur d'autres lieux de travail. C'est symptomatique de ce qui va se passer dans le reste de l'économie. »

« Amazon a la capacité d'opérer à l'échelle mondiale, de déplacer le travail à l'échelle mondiale pour éviter la syndicalisation, d'essayer de réinventer les pratiques lorsqu'un site est syndiqué. La seule façon de s'attaquer à ce problème et de gagner des victoires significatives est de voir les choses à l'échelle mondiale. »

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